The Stars Shine in the Sky Tonight {Myria}

Avec la fin des vacances venait la rentrée. C’était le rythme normal de la vie des élèves. Comme des professeurs, au fond, ou de tous les membres du personnel d’une école… Nul besoin de préciser que Rodolphus était plutôt de bonne humeur en cette période de l’année : sa fiancée n’était plus à Poudlard, il allait donc être de nouveau tout à fait libre de profiter de la vie… Rabastan n’était plus non plus au collège depuis un moment… En réalité, c’était la troisième année de scolarité de Rod’ durant laquelle il n’avait plus ni chaperon ni future épouse dans les pattes.
Oh, ne vous méprenez pas… Il aimait beaucoup son frère, comme il aimait beaucoup Bella aussi, mais… Était-il amoureux ? pas vraiment. Et il savait qu’il n’adorait pas son frère aîné non plus… le jeune Lestrange savait aussi, et surtout, qu’on ne vivait qu’une seule fois et que si on ne profitait pas de sa jeunesse, on ne profiterait pas non plus en étant vieux. Si tant est qu’on arrivait à vieillir un jour.

Trois années de liberté totale… avec celle-ci. La dernière. Car tout était déjà écrit, après cette septième année, Rodolphus convolerait en justes noces avec sa promise et… Il ne voulait pas y penser. C’était pour après, tout ça. Pas besoin d’anticiper trop à l’avance…
Il avait encore une année complète pour être lui-même, pour vivre à fond et pour expérimenter ce qu’il désirait expérimenter…

Durant l’été, il n’avait cessé d’entretenir une correspondance avec Myria Greengrass, une très charmante jeune femme, qui était en septième l’année précédente… Rodolphus l’aimait bien, elle aussi. Il avait toujours envie de la voir sourire, de lui faire plaisir… C’était une amie depuis pas mal de temps, déjà, et c’était une amante depuis pas mal de temps aussi. Avec elle, il avait expérimenté pas mal de choses, dans différents endroits, plus ou moins insolites… et, par Salazar, s’il y avait bien une chose dont Rod’ était sûr à cent pour cent, c’était qu’il donnerait n’importe quoi pour vivre ça à nouveau avec Myria !
Au fil de l’été, les hiboux que s’étaient échangés les jeunes gens étaient arrivés à un fait qui allait peut-être poser un petit problème… Miss Greengrass avait un contrat comme bibliothécaire à Poudlard. Cette simple idée eut pour effet immédiat de donner envie à Lestrange de lire tout ce qui pouvait lui passer entre les mains. Car cela laissait présager, de son point de vue, de très bons moments à passer ensemble… Il suffisait de commencer par une conversation autour d’un livre, pour ne pas éveiller les soupçons, puis le reste serait de l’ordre du camouflé, il allait falloir jouer la carte de la discrétion et, surtout, ne jamais se faire piéger… Un programme bien excitant !

Ça avait rappelé de bien bons souvenirs, tout cela… Rodolphus savait ce que Myria aimait qu’on lui fasse… à vrai dire, il avait même appris l’art du cunnilingus avec elle, deux années auparavant… elle lui avait appris à aimer ça, à aimer faire jouir une femme… Sans doute le meilleur apprentissage de toutes ses études à Poudlard !
Mais si la correspondance était vraiment enrichissante et prometteuse, la rentrée scolaire le fut un peu moins…
La demoiselle, en effet, faisait désormais partie du personnel de l’école. Et Rodolphus, bien qu’ancien camarade Serpentard de Myria, ne pouvait décemment pas se présenter à elle n’importe comment. Et certainement pas d’effusion en public, ça aurait été aussi déplacé que malvenu. Ce qui revenait à peu près à la même chose.
Alors il avait été convenu de mettre les choses au clair. En privé. Dans un endroit où personne ne viendrait les déranger ni les espionner. La tour d’astronomie semblait tout indiquée pour ce genre de choses.
Myria avait fait fort pour fixer le moment et le lieu du rendez-vous. Elle avait codé son message, en transformant son texte sous la forme d’une recette de potion. Camouflage parfait. Rodo avait mis un peu de temps à comprendre le truc. Mais il était là. A l’heure, parce que faire attendre une demoiselle, cela ne se faisait pas et qu’il avait la prétention d’être au moins un peu galant.
Elle était déjà là, solitaire, sa silhouette se découpant sur un fond de ciel déjà bien sombre. Sa peau pâle semblait presque diaphane…

"Par Merlin… tu sais tu es superbe ?" Oh oui, elle l’était. Il aurait pu développer, mais il avait quelque chose de primordial à dire avant cela.
Sortant de sa poche la recette reçue, il lut à voix haute : "Sur un concerto au violoncelle, plonge un poulet venimeux dans un chaudron en étain rempli d’huile de rose, de lait d’ânesse et d’ail des ours. Ganté de velours, mélange avec un télescope tout en ajoutant une pincée d’ongles de mouches préalablement passée au tamis très fin. Ce breuvage alambiqué devra rester au frais, en plein air, pendant 23h…" Il eut un sourire. "Je ne sais pas trop ce que donnerait cette potion, mais télescope, 23h, c’était clair… Tu veux qu’on cuisine ?"

Sa relation avec Rodolphus avait toujours été agréable. Compliquée, parfois, mais toujours agréable. Leur année d'écart et sa sortie du collège de sorcellerie Poudlard aurait du les séparer et terminer ça simplement. Ils se seraient peut-être revus, à l'occasion des vacances, mais ça aurait arrêté d'être aussi sérieux. Elle n'avait cependant pu s'empêcher de continuer à lui écrire. Depuis qu'elle avait appris qu'elle était reprise au poste de bibliothécaire (assistante, mais tout de même), elle avait tourné la question dans sa tête une bonne centaine de fois. Devait-elle, ou non, mettre un terme à leurs étreintes ? Lorsqu'ils étaient tous les deux préfets, il était normal aux yeux de tous le monde qu'ils soient souvent ensemble. Maintenant qu'elle n'était plus élève, ils devraient se montrer bien plus prudents. Plus elle prolongeait leur liaison, plus elle courrait le risque que le secret s'ébruite. Elle ne pouvait s'empêcher de penser qu'il avait sans doute bien moins à perdre qu'elle dans ce cas de figure. Tout au pire, il devrait s'excuser publiquement devant sa folle de fiancée et ses parents. Quant à elle, il était improbable qu'un fils de bonne famille accès une épouse qui aurait été aussi publiquement humiliée. Tous ses espoirs de carrière en politique seraient sans doute ruinés. Sans parler de Bellatrix qui pourrait bien vouloir l'étriper amicalement.

Bref, la raison lui indiquait très clairement qu'il valait mieux en finir et le plus tôt serait le mieux ! Seulement... Les souvenirs des moments passés ensembles étaient trop nombreux et trop vifs pour qu'elle ne les balaie comme ça. Une sorte de drogue ? Presque oui. Et si le sang pur qui lui était destiné n'était pas bon au lit, du tout ? Elle regretterait toute sa vie de ne pas avoir profité encore un peu de la liberté qui lui était accordée pour le moment.

Ainsi s'était-elle retrouvée en haut de la tour d'astronomie, anxieuse ou impatiente, elle n'aurait su le dire. D'autant qu'elle n'avait toujours pas pris de réelle décision. Sachant qui elle attendait, elle avait pris un bon moment avant de choisir sa tenue. Une robe vert si sombre qu'elle aurait pu passer pour du noir, surtout au milieu de la nuit. Il faisait froid là haut mais sa capeline la protégeait du plus gros du vent. Elle lui avait envoyé un message codé et, si elle était certaine qu'il parviendrait à le déchiffrer, elle craignait un peu que la lettre se soit perdue. Puis, après ce qui lui parut une éternité à contempler le paysage éclairé par la lune, elle entendit des pas dans l'escalier. Elle se retourna pour lui faire face. Portant l'uniforme scolaire aux couleurs de Serpentard et son insigne de préfet, il avait le parfait alibi pour déambuler dans les couloirs en pleine nuit. Toujours aussi plaisant à regarder, mais elle savait qu'elle ne réfléchirait plus aussi efficacement si elle s'attardait là-dessus. Cherchant par quoi commencer, elle se contenta de sourire d'un air malicieux en entendit le compliment qu'il lui adressa. Elle le vit sortir quelque chose de sa poche et reconnut le morceau de parchemin dont elle était l'auteur.

« J'aurai alors bien mal choisi l'endroit. »

Elle souriait toujours, amusée par la réflexion de Rodolphus. Elle réfléchit un instant et se dit que commencer directement à discuter du sujet qui les avaient amenés ici n'était pas un mal. Après tout, elle n'avait pas non plus envie de rester ici des heures, au risque de devoir aller trouver l'infirmière le lendemain et d'avoir bien du mal à expliquer comment elle avait attrapé une pneumonie. Son visage se fit moins enjoué lorsqu'elle se mit à parler.

« Est-ce une bonne idée ? » lui demanda-t-elle après un silence. « De continuer à nous voir je veux dire. »

Avec Myria, les choses avaient toujours été très bien. Leur amitié était forte. Ils avaient une relation solide, construite sur des bases stables et durables… Le sexe venait pimenter tout cela. Et jamais cela n’avait posé le moindre souci, jusqu’à cette année.
Ils étaient souvent ensemble, lorsque la jeune femme était encore étudiante, mais ils ne faisaient pas trop jaser pour autant : deux préfets de Serpentard… c’était normal de pouvoir passer du temps ensemble. Et même s’ils n’étaient pas toujours d’accord sur tout, à vrai dire, ils étaient assez tolérants l’un envers l’autre pour accepter de discuter et arriver ensuite à un accord.

Concernant leur relation, à présent, tout allait devoir être différent. Il n’était plus question de s’afficher ensemble, comme avant, même si leur amitié n’était un secret pour personne. Rodolphus ne voulait pas que Myria ait des ennuis, encore moins par sa faute. Elle faisait partie des rares personnes à qui il tenait beaucoup… et pour obtenir un tel statut, il fallait du temps et de la patience.
C’était mal foutu, tout ça. Ils étaient bien, tous les deux… ils avaient ce lien fort… et la vie avait décidé que Rodolphus épouserait une femme de sept ans plus âgée que lui qui avait la réputation d’avoir un sérieux grain. Autant condamner un homme à un supplice éternel, non ? En plus, avec ce que Rabastan lui avait raconté cet été, franchement, le fils Lestrange se demandait souvent si Bellatrix n’était pas amoureuse du Seigneur des Ténèbres… Passer sa vie avec une femme amoureuse d’un autre ? C’était pire que de devoir vivre pauvre, parmi des moldus. Quelle horreur !

C’était moche, tout ça… mais c’était le destin de Rodolphus Lestrange. Alors, en attendant de vivre sa peine à perpétuité, il préférait vivre maintenant. Penser à l’avenir était trop triste et trop angoissant : il savait qu’il ne serait pas heureux plus tard. Le bonheur, ça se trouvait ici et maintenant…

Dans l’équation du bonheur, Myria était une constante. Quand il était avec elle, Rod’ se sentait bien, il pouvait être lui-même et parler à cœur ouvert. Il appréciait aussi écouter la jeune femme. C’était cet aspect-là qui avait plu au jeune homme en premier lieu… et puis, quand ils s’étaient laissé aller à se découvrir un peu plus, corps et âme pour ainsi dire, ce qu’il avait découvert n’avait fait que lui plaire plus encore. S’il avait pu choisir lui-même la femme qu’il épouserait, il aurait peut-être bien envisagé de demander sa main à Myria… et tout aurait été tellement plus simple…

Quand il la voyait comme ce soir, toute de sombre vêtue, Rodolphus avait l’impression qu’elle s’était habillée d’un morceau de nuit… Il trouvait l’idée poétique. Et le teint d’opale de la jeune femme ressortait si bien avec cette robe de contraste…
Oui, elle était superbe. Elle l’avait toujours été, en réalité, mais le jeune Lestrange ne le lui avait peut-être pas assez souvent répété. Quant à son sourire… il avait des effets secondaires dignes d’un sort de Confundo.

Son histoire de message codé, c’était bien pensé. Cela avait donné une idée au jeune Serpentard pour communiquer discrètement avec Myria… car oui, l’endroit n’était peut-être pas idéal pour cuisiner ensemble, bien que l’idée de préparer un bon repas pour cette jeune femme ne déplaisait pas du tout à Rodolphus, mais au moins ils pouvaient discuter quasiment ouvertement ici.
Il sourit à son tour… mais son sourire s’effaça lorsque la belle reprit la parole. Son ton était inhabituel, à la fois interrogateur et sérieux, avoir une sorte de soupçon de crainte…

Rodolphus s’approcha d’elle. "Je me suis posé la même question, Myria…" Il aurait voulu l’enlacer, mais ce n’était certainement pas la meilleure idée du siècle, vu le moment. "Je sais que ça peut te paraître bizarre, mais… je pense que j’ai besoin de toi dans ma vie. Vraiment."

Le jeune homme avait, bien évidemment, eu l’occasion de réfléchir longuement à la question depuis qu’il avait appris que son amie ferait désormais partie du personnel de Poudlard. Et il était arrivé à plusieurs conclusions, plus ou moins certaines. Le fait qu’il ait besoin de miss Greengrass dans sa vie faisait bel et bien partie des conclusions certaines.

Il la regardait dans les yeux, comme si le simple fait de la fixer comme cela pouvait lui montrer à quel point il était sincère… "Je ne vois pas trente-six solutions… Je te laisserai prendre ta décision, mais je vais au moins te dire ce que je pense."

Il se passa une main dans les cheveux, comme si cela allait l’aider à mettre ses idées correctement en place, puis il souffla un bon coup avant de se lancer.

"Depuis le temps qu’on se connaît, ceux qui ont pu nous voir proches auparavant trouveraient étrange qu’on coupe tout contact. Cela les pousserait à se poser des questions. A éviter, donc." Lestrange avait déjà envisagé plusieurs possibilités et il en avait évincé quelques-unes assez rapidement. "Le fait qu’on soit amis ne pose aucun problème. Si on continue à garder cette image que les autres ont de nous, c’est justifiable par les années passées ensemble, ne serait-ce qu’ici à l’école… à partir de là, il nous suffirait de faire semblant qu’il n’y a que cela entre nous." S’ils voulaient continuer à se voir autrement, ce que Rodolphus désirait, faut-il le dire, la clef serait la discrétion tout en finesse. "Jouons le jeu des apparences… Je ne peux pas imaginer que tu sois ici tous les jours, si près de moi, et qu’on ne puisse pas passer du temps ensemble… J’ai besoin de toi, Myria… vraiment…" Au fil de ses paroles, il avait fini par lui prendre les mains.

Si elle avait espéré que le revoir en chair et en os l'aiderait à prendre sa décision, c'était un échec total. Et son comportement... Quand il lui disait qu'il avait besoin d'elle, il avait l'air d'être au moins aussi mal à l'aise qu'elle et l'instant d'après il détaillait par le menu les raisons rationnelles qui devrait la mener à continuer à le voir. Même si chacun de ses arguments se valait, le passage des sentiments à la raison continuait de la perturber. Cette capacité à passer de l'un à l'autre, le temps de cligner des yeux lui faisait se poser une question : était-elle vraiment importante pour lui ou tentait-il juste de la garder dans son lit ? Elle avait peur que pour lui ça ne soit qu'un jeu et que les ennuis que son nouveau statut importait ne soit qu'un amusement de plus. Une chose était certaine, il voulait continuer à la voir. Elle aussi, manifestement. Où était le problème alors ? Il avait raison. Si ils commençaient à s'éviter, ça semblerait encore plus étrange. Alors qu'elle avait écouté à tout son discours, en se torturant l'esprit sur ses intentions, sur ses envies, sur les risques et sur l'avenir, elle combla les quelques centimètres qui les séparaient pour l'embrasser. Un baiser rapide, léger et tendre, mais un baiser tout de même. Alors qu'elle s'était jurée de garder une contenance, rien que de le sentir saisir ses mains avait suffit pour qu'elle balaye ses doutes et toutes ses pensées stupides qui ne servaient pas à grand chose dans l'instant.

« Moi aussi, j'ai besoin de toi. » lui dit-elle doucement puis, penchant la tête sur le côté, un sourcil levé d'un air interrogatif, elle ajouta « Tu en doutais ? »

Ils allaient devoir être plus que prudent, voir même faire entrer la magie dans la danse pour que personne ne s’aperçoive de rien. Elle sourit à cette pensée. Et alors ? Ils étaient tous les deux doués et désormais elle avait un accès assez libre aux livres les plus avancés de la bibliothèque bien fournie de l'école. Ça ne devrait pas vraiment poser problème. Au clair de lune, il semblait presque sculpté, les traits et les plats se marquant nettement dans la lumière argentée. Levant une main pour lui caresser la joue, comme pour s'assurer qu'il était bien là, elle s'arrêta dans son geste et son regard se fit on ne peut plus sérieux alors qu'elle le plantait dans le sien.

« Tu dois me jurer de n'en parler à personne, pas même à ton miroir quand tu le croises le matin. »

Si jamais une araignée, un tableau ou un fantôme venait à l'apprendre, elle risquait beaucoup trop. Il y avait beaucoup trop d'objets avec une mémoire et une personnalité dans ce château. C'est pourquoi cet endroit était extrêmement approprié. Les fantômes étaient pour la plupart lié dans l'enceinte du château et rares étaient ceux qui pouvaient sortir des murs. Ici... Ils étaient effectivement à l'extérieur. Pas non plus de portrait qui aurait pu raconter ça à qui que ce soit. Et le premier élève qu'elle croiserait écoperait d'une retenue. Sans l'inviter dans ses appartements, c'était l'endroit le plus sûr auquel elle avait pu penser. Même dans ses appartements, il serait prudent qu'elle installe des protections. Ce n'était pas le moment de penser à tous ces détails cependant.

« Si quelqu'un venait à l'apprendre... Je pense qu'il faudrait que je change de pays. Et de nom. »

Elle souriait, sa phrase ayant été pensée comme une plaisanterie, mais elle la prononçant, elle s'était rendue compte à quel point c'était proche de la vérité. Sa famille la déshériterait probablement. Elle perdrait son travail, sa réputation. Elle avait toujours voulu voyager un peu, cependant, voyager signifiait pouvoir revenir.

Les relations humaines, c’était la galère. Surtout quand ce n’était rien d’officiel et que les circonstances passées avaient évolué vers quelque chose qui était à la fois prévisible et difficile à vivre…
Les filles étaient compliquées, ça c’était sûr et certain. Mais la vie en elle-même était vachement compliquée aussi ! S’il avait eu le choix, Rodolphus aurait présenté Myria à ses parents, il aurait fait une demande en mariage en bonne et due forme, en s’agenouillant devant elle pour lui offrir une bague d’argent et d’émeraude, puis il aurait pu envisager une vie heureuse avec la femme qu’il aimait à ses côtés… La vie en avait décidé autrement, et cette relation devait rester secrète, tandis que Lestrange devait se préparer à laisser la femme qu’il aimait pour épouser une femme qu’il n’aimait pas…

Était-ce si difficile d’accéder au bonheur ? Rodolphus était condamné. Il le savait. Son bonheur prendrait fin quand il finirait sa scolarité à Poudlard. Alors il devrait faire preuve d’abnégation pour accepter de mener une vie qui ne lui plairait qu’en partie.
Quand il avait appris qu’il y aurait cette barrière déontologique entre miss Greengrass et lui, Lestrange en aurait hurlé. De rage. D’incompréhension. De révolte. Il ne pouvait pas envisager de vivre sans aucun contact avec Myria : elle était sa perle rare, la seule, l’unique…

Quand la jeune femme se laissa aller à déposer un petit et léger baiser sur ses lèvres, Rodolphus sentit son cœur s’alléger d’un coup, comme si ce contact entre leurs lèvres venait de lui enlever un énorme poids de la poitrine. Il passa une main dans le dos de la belle, comme pour la maintenir près de lui.

"Je n’ai qu’une seule certitude, Myria… Tu es la seule personne que je veux pouvoir serrer contre moi." Dire autre chose aurait sans doute été possible, mais chez les Lestrange, les mots étaient utilisés de façon à ne jamais trop en dire. Si le jeune homme se permettait de révéler plus que cela, il devait s’attendre à des répercussions qu’il faudrait assumer. Les nouvelles allaient vite, dans Poudlard, et on ne pouvait jamais être certain qu’aucune oreille mal intentionnée ne traînait dans les parages.

La lune diaprée projetait derrière la jeune femme un éclat qui semblait rendre Myria diaphane. Comme si elle était faite d’albâtre la plus fine, comme si chaque geste se devait d’être terriblement doux avec elle… En plein jour, elle était déjà magnifique, mais dans la nuit, avec une luminosité si particulière, elle était tout simplement superbe.
Elle aussi avait des gestes doux. Quand la main féminine passa sur la joue de Rodolphus, il se sentit frémir, mais ne dit rien, se contentant de regarder encore et encore le visage de miss Greengrass… alors elle prononça les mots qu’il espérait, au fond de lui. N’en parler à personne. Garder le secret… Evidemment, ça allait de soi ! Il était même prêt à faire le serment inviolable si cela pouvait rassurer Myria.

"Je ne veux pas que tu aies le moindre problème à cause de moi… Jamais je n’en parlerai. À personne. Juste toi et moi."

Ils risquaient gros tous les deux, peut-être… car, à bien y réfléchir, la mère de Rodolphus ne pourrait jamais lui pardonner d’aimer une autre femme que celle que sa mère lui avait choisie… quant à Bellatrix, mieux valait ne pas songer à ce de quoi elle pouvait être capable… Lestrange tenait à rester entier et à ne perdre aucun morceau de son corps.

"Personne n’en saura rien. Mais s’il faut fuir et changer de pays, on partira ensemble. Pas question qu’il en soit autrement !"

Rodolphus se voyait très bien, du jour au lendemain, tout plaquer en Angleterre pour partir bien loin. En Amérique du Sud, peut-être, ou aux États-Unis… peut-être même en Chine ou au Japon… les possibilités ne manquaient pas… mais ce serait tout de même beaucoup mieux si la fuite n’était pas nécessaire.
Lestrange serra sa belle contre son torse. Il l’étreignait comme s’il ne l’avait pas vue depuis dix ans… Il respirait son parfum et semblait considérer cela comme de l’oxygène…

"Tu m’as manqué, tu sais…"

Il répondit à son baiser en passant une main dans son dos, pour ne pas la laisser s'échapper. Par ces quelques gestes, ils s'étaient mis d'accord et leur problème s'était résolu plus simplement qu'avec des mots. Ainsi, c'était convenu. Son futur commençait à se dessiner de plus en plus précisément. Il lui restait trois ans de célibat avant de devenir Mme Black ou la sang pur répudiée par son fiancé dont personne ne voudrait. Soit, elle avait encore un peu de temps avant d'y penser. L'une de ces années se passerait avec Rodolphus secrètement à ses côtés. Qu'en serait-il de la suite ? D'ici là, elle aurait sans doute déjà un poste au ministère. Cela paraissait lointain mais elle se doutait que les jours heureux qu'ils leur restaient à passer ensemble fileraient sans qu'ils ne s'en aperçoivent.

« Profite en, avant qu'un de tes collègues préfets ne nous déniche. » lui dit-elle avec un sourire amusé, en passant une main dans son dos.

Ses mots la rassuraient et lui faisait énormément plaisir. Il comprenait l'importance de garder leur relation secrète. Elle fit taire une petite voix dans sa tête qui persiflait que bien d'autres jeunes femmes au fil des siècles avaient dû entendre des promesses similaires et avaient été déçues. Il était charismatique et elle avait peur de perdre son sens critique lorsqu'elle était avec lui. Chacun de ses traits semblait avoir été étudié pour atteindre une harmonie parfaite.

Elle sourit en l'entendant évoquer leur fuite ensemble. Elle espérait vraiment ne pas en venir là mais c'était émouvant d'entendre qu'il serait prêt à tout abandonner pour elle. Autant elle rêvait de voir le monde, autant elle était véritablement attachée à l'Angleterre. Ses petites traditions, sa musique, ses habitants, sa météo moins que passable... Toutes des choses qui l'avaient bercée depuis son enfance et dont elle aurait du mal à se passer.

« Je préférerai qu'on n'en arrive pas là. Si mon fiancé a l'air de s'en ficher plus que complètement, ta promise n'est pas véritablement une tendre et tu es mieux en un seul morceau. »

Le parfum de Rodolphus l'étourdit alors qu'il la serrait contre elle. Un odeur dont les traces restaient parfois sur certaines de ses lettres, peut-être parce qu'il gardait ses parchemins dans sa chambre. En une respiration, elle avait l'impression de rentrer chez elle, après deux longs mois de séparation. Tout cela n'avait plus d'importance. Elle noua ses bras autour de son cou et profita de la chaleur de son corps qui contrastait avec l'air ambiant. Un murmure, un souffle, elle sentit ses paroles résonner autant qu'elle les entendit. Son sourire s'agrandit encore. Elle recula pour le regarder dans les yeux.

« Le mot est faible. Je ne sais pas comment je ferai pour ne pas courir t'embrasser à chaque fois que je te croiserai dans un couloir. »

Il était inutile de nier l’évidence, cela n’aurait fait que rendre les choses plus difficiles encore. Rodolphus n’avait jamais été du genre très romantique, mais la promesse de ne pas cesser leur relation, à Myria et lui, malgré les changements récents, ça lui faisait quelque chose. Peut-être cela pouvait-il être difficile à croire, mais le fait était là : s’il y avait une femme sur cette Terre capable de rendre le jeune Lestrange heureux, c’était elle, et aucune autre. En clair, cela voulait dire que cette année scolaire serait très certainement la dernière année où ce qu’on appelle communément le bonheur serait envisageable. Après cela, Rodolphus deviendrait le mari de Bellatrix Black, ils ne seraient pas heureux, mais auraient sans doute l’un ou l’autre enfant, comme il était de bon ton d’en faire pour perpétuer la lignée et la pureté… C’était une autre histoire, à laquelle il valait mieux ne pas penser pour le moment.

Profiter de l’instant présent… Le fameux Carpe Diem de ce poète latin, Horace, qui essayait de cueillir le jour, au quotidien… mais l’épicurisme était tout bonnement impossible, Rodolphus ne voyait pas comment il aurait été faisable de seulement penser que c’était réalisable, comme philosophie de vie. Du grand n’importe quoi.

Myria avait raison, dans ses paroles : n’importe quel préfet pouvait se ramener par ici, d’une minute à l’autre, et leur tomber dessus. Si cela devait arriver, c’en était fini pour eux… et, Rodolphus le sentait, le premier préfet ou la première préfète qui viendrait se mêler de leur histoire, le Serpentard comptait bien lui mener la vie dure, en restant correct. Il était prêt à protéger cette relation, comme il se devait.

"Si un préfet débarque, là, maintenant, tout de suite… il faut qu’on soit prêts à lancer un sortilège de confusion sur lui directement."

Leur relation impliquait d’être toujours sur ses gardes, évidemment, mais cela ne posait pas de problème au jeune homme. Il se sentait prêt à tout pour protéger Myria, son honneur, son image et ses sentiments. Un peu chevaleresque, certes, mais il avait terriblement envie de faire tout ce qui était en son pouvoir pour cette jeune femme.
La fuite au bout du monde n’était, finalement, qu’un exemple parmi d’autres. Lestrange ne voyait pas vraiment d’inconvénient à partir loin, en Australie, aux Etats-Unis ou n’importe où… ce qui comptait, c’était que l’honneur de miss Greengrass reste intact et qu’elle puisse être heureuse. C’était son bonheur à elle qui importait le plus. Un peu naïvement, Rodolphus se disait que si la femme qu’il aimait était heureuse, même si ce n’était pas avec lui, alors il devait s’en réjouir et être heureux pour elle.

"Je préfèrerais aussi qu’on puisse rester ici… mais je garde l’idée en tête, au cas où…" Entendre Myria évoquer Sirius puis Bellatrix Black – des cousins qui ne se ressemblaient pas le moins du monde –, c’était comme se faire féliciter pour son courage par quelqu’un méprisant les courageux de Gryffondor. Au fond, ça lui faisait un drôle d’effet. Il posa doucement l’index sur les lèvres de la jeune femme, comme pour lui intimer le silence à ce sujet…

"Myria, cette année est la nôtre… On reste prudents et discrets, mais ça ne m’empêchera pas de passer le plus de temps possible avec toi… Quitte à devenir un rat de bibliothèque, rien que pour te voir quelques instants chaque jour."

Sans être totalement adepte de la bibliothèque, Rodo s’y rendait plus ou moins régulièrement, pour des raisons ayant souvent trait aux cours, parfois à des questions qu’il se posait. Son visage n’était pas inconnu dans l’épure du savoir de Poudlard, mais il n’y avait jamais passé plus d’une heure et demie sur une journée. Cela pouvait changer…

Myria enlaçant son cou, le jeune homme laissa doucement glisser les mains sur les hanches de son amie, en une caresse, puis ferma les yeux une seconde, le temps de fixer ce moment dans son esprit, comme un souvenir heureux auquel il pourrait avoir recours pour garder la tête hors de l’eau lorsque ce serait nécessaire, puis, répondant au regard de la belle, il esquissa un sourire en entendant ses mots.

"Tu es censée être la plus sage de nous deux, Myria…" Il déposa un baiser sur ses lèvres, puis la serra contre lui, en un vrai câlin qui disait bien à quel point il aimait l’avoir contre lui. "La vie est mal faite, tout de même…"

Le sortilège de confusion, elle était prête à le lancer. Ce n'était pas un enchantement si difficile. Si elle avait quelques lacunes, elle n'était pas une grande duelliste, elle était loin d'être une empotée de la baguette. Visiblement, il n'avait pas envie de parler de la fin inexorable de cette histoire, il le lui fit comprendre en posant un doigt sur sa bouche. Cela tombait plutôt bien, elle non plus. Elle n'avait abordé l'idée que parce qu'elle avait l'impression que c'était la chose à faire, pour ne pas se mentir. Mais maintenant que c'était dit, inutile de s’appesantir là dessus. Elle voulait juste être certaine qu'il en avait bien conscience... Et vu la tête qu'il tirait, il était aussi au fait qu'elle des conséquences. Sa "mission" était donc accomplie et elle pouvait profiter de sa tendre compagnie sans, trop, s'inquiéter.

L'idée de Rodolphus en rat de bibliothèque stéréotypé, lunettes sur le nez, nœud papillon et raie sur le côté, la fit sourire. Cela lui faisait plaisir, bien sûr. Mais elle préférait le voir aussi à d'autres occasions. Elle nota mentalement de ne pas oublier de lancer des sortilèges de protection sur ses appartements.

« Je m'arrangerai pour que tu n'aies pas à subir ça. » lui dit-elle avec un sourire de côté.

Le baiser et l'étreinte qui s'en suivit, elle aurait aimé qu'ils durent une éternité. Voir un peu plus. En seule compagnie des étoiles, un vent frais et la chaleur d'un être cher, leurs souffles comme seule mélodie... Ce silence relatif est peut être ce qui leur sauva la mise quand, plus bas, se fit entendre un bruit. Des pas ? Des chuchotements ? Quoi qu'il en soit, cela ne peut pas être bon signe pour les tourtereaux. Myria s'éloigne assez pour pouvoir plonger son regard un peu paniqué dans le sien. Elle décroche, à regret, ses mains de son cou et cherche à tâtons la poche de sa cape où elle a rangé sa baguette. Le tout dans le silence le plus stricte, pour ne pas attirer l'attention. Elle espérait, de tout coeur, qu'il avait un plan. Et un bon. Parce qu'elle, elle n'avait prévu qu'un stupéfix informulé suivi d'un enervatum une fois qu'ils seraient passés. Il devait y avoir une solution plus simple... Mais elle ne la voyait pas, trop fatiguée ou sur son nuage, peut-être.

HJ:

Quelle chose incompréhensible que le sentiment humain ! On avait beau être de sang pur, avoir une ascendance à la poigne de fer et un avis bien tranché sur pas mal de questions, les sentiments humains chamboulaient toujours tout.
Depuis tout petit, en fait, Rodolphus avait tendance à avoir du mal avec ce qu’il ressentait. Adorer sa mère et mépriser son père… Le fait qu’il tenait énormément à son frère aîné, Rabastan, tout en étant en perpétuelle rivalité avec lui… L’affection portée aux rares amis, la haine envers les ennemis… et l’amour envers la seule et unique. Tout cela créait sans cesse un joyeux bordel dans la vie !
S’ajoutait à cela, désormais, l’inquiétante promesse du mariage avec une mangemorte réputée pour sa cruauté et sa « folie ». Bon, soit. Lestrange était juste un peu dans la bouse de dragon jusqu’au cou, mais pour le moment, il parvenait encore à gérer.

Lui qui n’était pas le plus studieux et le plus scolaire de la famille Lestrange se voyait très bien venir conter fleurette à la jolie bibliothécaire aussi souvent que possible… Il n’y voyait d’ailleurs aucun inconvénient, hormis celui de la traditionnelle règle du silence qui régnait dans toutes les épures du savoir dignes de ce nom. Bien sûr, il ne comptait pas changer qui il était ni ses préoccupations habituelles… disons juste qu’il était prêt à adopter l’attitude qu’il fallait pour bénéficier de la présence régulière de l’ancienne préfète de Serpentard à ses côtés.

Il en était là de ses pensées lorsqu’un son intrigant se fit entendre. On approchait. A cette heure de la nuit, il ne pouvait s’agir que du concierge ou d’élèves qui pouvaient se faire sanctionner sans problème par la bibliothécaire… voire par Rodolphus.
Le jeune homme n’était pas dupe. Myria s’éloignant de lui, l’étincelle avait aussitôt aiguisé sa curiosité et son instinct de préservation. Il se sentait presque comme un fauve prêt à bondir pour protéger un membre de son clan. Elle chercha son regard et il plissa les yeux, avant de lui indiquer de garder le silence, posant l’index de la main gauche sur ses lèvres tandis qu’il agrippait sa baguette d’ébène dans la dextre.

"Cache-toi.", murmura-t-il, avant de prendre une grande inspiration et d’aller à la rencontre des bruits dans l’escalier. "Lumos." L’extrémité d’ébène s’illumina devant Rodolphus, éclairant la voûte où aboutissait l’escalier. Dans une telle situation, il lui avait semblé qu’un Lestrange digne de ce nom se devait de prendre les devants pour protéger l’intégrité de celle qu’il aimait. Bonne ou mauvaise idée, il n’en savait rien pour le moment, mais l’improvisation était tout à fait possible, quitte à provoquer quelques dommages collatéraux.

Il lui fit signe de ne pas faire de bruit et elle leva les yeux au ciel. Elle n'allait pas se mettre à chanter. Se cacher, certainement... Mais où ? Elle lui aurait bien rappelé qu'elle se trouvait au sommet d'une tour. A découvert en somme. Mais cela n'aurait fait que du bruit, sans trouver de solution au problème. Elle finit par trouver la poche de sa cape où sa baguette est rangée et la saisit rapidement. Un peu de concentration... Et la voilà invisible, ou presque. Camouflée. Le sortilège qui te transforme en caméléon. Juste à temps, quand la lumière de la baguette de Rodolphus se met à éclairer la nuit. Les pas continuent à s'approcher et à monter les escaliers. Une silhouette apparaît et Myria sent un frisson lui parcourir le dos. Elle espérait qu'il s'agisse d'un élève de première année que la haute stature de Rodolphus aurait fait s'enfuir en courant. Seulement, la personne qui approchait était loin d'être un enfant. Sombre et un peu effrayant, ce n'était autre que Conrad O'Leary, professeur de Défense contre les Forces du Mal. Si elle avait arrêté d'avoir cours avec lui, ce n'était pas pour rien. Chaque fois qu'elle le croisait, elle avait une sale impression... Enfin, elle ne pouvait pas s'entendre avec tout le monde. Seulement.. Qu'est-ce qu'il venait faire ici, à cette heure de la nuit ? Ce n'était sans doute pas un rendez-vous galant... Elle n'arrivait pas à l'imaginer amoureux. Une ronde pour vérifier que tout se passait bien ? Il avait aussi un rayon lumineux sortant de sa baguette. Myria était heureuse d'avoir été une aussi bonne élève en métamorphose. Elle était certaine qu'elle ne se ferait pas repérer.

Hrm. Lestrange. Je ne pensais pas croiser quelqu'un ici.

Il semblait l'air un peu tendu, stressé. Venu regarder les étoiles ? Elle n'avait pas vraiment envie de le savoir, juste de partir. Silencieusement, elle se lança un sortilège de silence avant d'avancer à petits pas vers les escaliers. Conrad se dirigea vers le préfet en regardant à droite et à gauche comme si il attendait quelque chose... ou quelqu'un ? Improbable. Myria en profita pour passer derrière lui et descendre les première marches, espérant que Rodolphus se doute qu'elle a saisit sa chance pour s'en aller.

Je suis venu pour prendre un peu l'air... Tu comptes rester longtemps ?

Son dos lui faisait face et Myria en profita pour lancer quelques minuscules étincelles avec sa baguette, pour signaler sa position, avant de continuer sa descente, le laissant se dépatouiller avec le professeur.