Snake souls in a bubble bath [PV Rodolphus]

R O D O L P H U S & H A R M O R I C A

Il est des moments comme ceux-ci que l'on n'échangerait contre rien d'autre. Parce qu'ils sont nécessaires, indispensables, et qu'ils font du bien. Il faut savoir ralentir le rythme et se poser. Ne penser à rien, se laisser aller à la douceur de l'instant, à la simplicité... Il est reposant de pouvoir prendre du temps pour soi, sans craindre d'être dérangé par des gamins qui se plaignent, par des profs qui filent des tonnes de devoirs, ou par des petits malins qui veulent simplement faire chier leur monde...

Alors lorsqu'elle avait l'occasion de profiter de ces rares moment de calme et tranquillité, Harmorica bénissait le ciel. Son lieu de prédilection pour ça était alors la salle de bain des préfets. Accessibles uniquement à ses 'collègues', et plutôt peu utilisée, même par ces derniers. L'endroit idéal lorsqu'on ne veut être un peu seul, et réfléchir, ou bien juste se laisser couler, noyé dans le vide et le silence...
Ce matin, la Serpentard avait décidé que la salle de bain serait à elle. Il était très tôt, le soleil ne s'était pas encore levé, et elle était certaine de ne trouver que des fantômes tout au plus... Elle s'était levée, prenant garde à ne pas faire de bruit pour ne pas réveiller les filles de son dortoir, et avait remonté les sept étages à pas de velours pour se rendre jusqu'à la salle d'eau. Ludwig avait voulut la suivre, et elle n'avait pas eut le coeur de lui refuser ce privilège.

Une fois sur place, elle avait allumer l'eau magiquement, avait demandé des bulles. Beaucoup de bulles, avant de se dévêtir pour se glisser dans l'eau bouillante. Le contact de la chaleur sur sa peau fraîche lui arracha un frisson mais elle s'habitua vite et soupira d'aise, s'enfonçant sous la mousse comme pour se cacher du monde extérieur.
Harmorica n'avait jamais aimé l'eau. Ce n'était pas son élément, et elle partageait cette incommodité avec son chat, qui prenait garde à rester à plusieurs mètres du grand bassin pour faire sa toilette. Mais tant qu'elle touchait le fond et qu'il n'y avait rien d'autre dans le liquide qu'elle, elle arrivait à supporter. Les bains, c'était autre chose, elle adorait ça et pouvait y passer des heures entières sans rien faire d'autre que se prélasser...

Lentement, la jeune femme ferma les yeux et coula à pic. Elle resta ainsi de longues secondes avant de remonter reprendre son souffle. Un bruit résonna dans son dos et elle se retourna vivement pour voir entrer quelqu'un. Elle le reconnu immédiatement et calma les battements de son coeur. Rodolphus était le deuxième préfet de Serpentard, et elle l'appréciait. Ludwig par contre... Lorsque le matou vit apparaître le jeune homme, il se redressa et cracha dans sa direction avant de reculer dans un coin.
Même si elle n'avait rien contre lui, sa venue ici, à cette heure, n'était pas tellement pour enchanter la demoiselle... Pas qu'elle se sente gênée nue en sa présence, mais elle aurait aimé être seule avec elle-même ce matin.

Harmorica le regarda venir vers elle et le fixa d'un air insistant. Lorsqu'il fut assez proche pour entendre, elle lui fit part de son désarrois. « Qu'est-ce que tu fais là si tôt ? Il n'est même pas 6h... » Avec lui, elle s'abstenait d'être froide. Du moins l'était-elle lorsqu'il le fallait... Mais là, il n'y avait pas de raison pour qu'elle l'agresse. Alors elle restait polie, et relativement calme. De toute façon, s'énerver contre Rodolphus, c'est comme pisser dans un violon, ça ne serre à rien, parce qu'il est indéniablement plus fort que vous. Oui, Harmorica perdait la plupart de ses duels contre son camarade... mais cela ne la vexait pas. Parce qu'elle savait qu'il donnait tout, et elle aussi, et alors elle s'inclinait avec honneur.

Ce matin cependant, si il décidait de commencer une joute, verbale ou non, elle ne le laisserait pas gagner.

Les salles de bains ont toujours été des lieux privilégiés pour Rodolphus. D’abord pour le calme qui y régnait en règle générale, ensuite parce qu’il y avait toujours un certain confort et enfin parce que c’était une pièce dont on sortait toujours avec un sentiment de légèreté.
Quand il avait un moment de déprime, c’était dans la salle de bains des préfets que se rendait le jeune Lestrange.

Or, depuis 4h du matin, il ne dormait plus. En pleine nuit, l’incertitude s’était emparée de lui. Il avait ramené à lui ses genoux qu’il avait entourés de l’anneau de ses bras. Comme un enfant. Plus moyen de dormir. Les pensées se bousculaient, toutes plus flippantes les unes que les autres. Il avait encore rêvé d’avenir et, franchement, ça ne lui réussissait pas du tout.

*Il ne faut pas y croire. Ce temps qu’ils voudraient m’imposer n’est pas la vie. C’est très bien qu’ils se trompent : le malheur des autres ne console de rien.*

Et puis, n’y tenant plus, Rodolphus s’était levé pour de bon. Il avait voulu sortir du château, mais à cette heure-ci, il y ferait trop frisquet. La salle sur demande avait déjà été utile pour y fumer l’une ou l’autre clope, mais il n’en avait aucune envie pour le moment.

Il ne savait pas ce qu’il attendait. Ce serait tellement simple de voir la vie en noir, la vie en rose. Mais les jours ne se suivent pas, ne se ressemblent pas. Combien de temps perdu ? Combien de certitudes ? Comment sortir de la coquille ?

Rodo restait dans un coin, la tête dans ses mains, comme s'il en contemplait les paumes d'un oeil fermé et pas vraiment décidé à s'ouvrir.
Un oeuf. Il était dans un oeuf.
Les certitudes envolées, l'homme se révélait souvent, voire toujours, aussi fragile et doux qu'un jeune animal qui se blottit pour se protéger.
Le Serpentard, malgré sa fierté, malgré ses succès, malgré ses atouts et ses habitudes, n'échappait pas à la règle.

Il était là et n'était pas là en même temps.
Lestrange finit par ôter ses mains de son visage. Il prit une cigarette et la fit tourner lentement entre ses doigts, en se demandant pourquoi il continuait à s'accrocher comme cela à des objets qui, comme cette clope, étaient destinés à mourir en fumée?

Il haussa les épaules et alluma le tube de tabac. La première bouffée inspirée, il la rejeta rapidement. Seules les suivantes l'intéressaient. Celles qu'on pouvait savourer les yeux fermés, l'esprit un peu plus vide à chaque fois, comme si la fumée vous enveloppait de sa sollicitude et vous apportait un peu de bien-être tout en vous démolissant de l'intérieur. Peut-être était-ce là la leçon à retenir de la vie en général? Un positif pour un négatif. La sensation de bien-être durant quelques instants et la maladie, peut-être, dans quelques années.
Un petit sourire vint se dessiner sur les lèvres du garçon.
Il devenait pathétique à avoir de telles pensées et il s'en rendait compte. Le Serpentard se réveillait enfin, quittant sa léthargie passagère pour reprendre du poil de la bête.

Il avait fumé à la fenêtre d’un couloir vide. Ce n’était pas l’idée du siècle, mais ça lui avait finalement fait plus de bien que ce qu’il avait cru au premier abord.
Après la clope, un bon bain lui ferait sans doute le plus grand bien.

Rodolphus repassa dans son dortoir, histoire de prendre quelques affaires comme son nécessaire de toilette. Il remarqua qu’il avait erré pendant plus d’une heure dans le château et que, décidément, ces conneries d’angoisses pour l’avenir étaient vraiment pires qu’une malédiction !

Empruntant le chemin du septième étage, le Serpentard essaya tant bien que mal de ne pas trop penser à tout ça. Se vider la tête. C’était le meilleur moyen pour ne pas perdre pied dans la réalité. Et il avait besoin de garder les pieds sur terre.

La salle de bains des préfets était spacieuse. Il y avait là ce qui ressemblait plus à une piscine qu’à une baignoire, des possibilités moussantes assez exceptionnelles, de l’eau qui adoptait tous les caprices qu’on voulait lui faire faire… et parfois, il y avait même cette petite voyeuse de Mimi Geignarde qui venait se rincer l’œil. Ça ne dérangeait pas Lestrange, d’une certaine manière, c’était flatteur d’avoir une admiratrice comme ça… plaire aux mortes et aux vivantes, ce n’était pas donné à tout le monde !

Quand il y entra, Rodolphus fit comme d’habitude : il alla ôter sa robe de chambre qu’il laissa sur le crochet prévu à cet effet, puis, en caleçon, il s’approcha du bain pour y faire couler l’eau.
Seulement, ce matin, le bain était déjà rempli. Mieux encore, il était plein de mousse.

Etant donné qu’il était impossible que quelqu’un ait préparé ça pour lui, le jeune homme s’approcha. Une fille sortit soudain la tête de l’eau, alors qu’il s’avançait. Harmorica…

"Je voulais prendre un bain, tiens. Je pensais qu’il n’y aurait personne à cette heure." Il n’était pas besoin de donner plus de précisions. De toute manière, ça devait se voir sur son visage que Rodolphus n’était pas de super bonne humeur, il était encore un peu sous le coup de son angoisse nocturne, mais ça n’était pas le genre de choses dont il parlerait à quelqu’un d’autre qu’un ami proche. Il se gratta un peu sous le menton, puis ajouta : "Je vais te laisser tranquille, si tu veux. Je vais me raser ailleurs avant de venir prendre un bain."

Oui, Rodolphus pouvait être galant. Parfois. Mais ce matin, c’était bien parce qu’il n’avait pas la tête à entamer quelque joute verbale.

A question débile, réponse logique. Pourquoi venir dans une salle de bain pour autre chose que prendre un bain ? Harmorica se sentit bête sur le moment. Elle resta muette et baissa les yeux. Apparemment, son camarade n'était pas tellement d'humeur à se battre, et il annonça partir pour revenir plus tard. La jeune femme releva la tête et l'arrêta. « Non attends ! » Elle avait presque crié, et s'en rendait compte, ce qui la fit rougir. Il était rare qu'elle agisse de la sorte face aux autres ; sans réfléchir. Habituellement, chacun de ses gestes, chacun de ses mots était dicté par une réflexion préalable. Harmorica n'avait jamais été spontanée, peut-être parce qu'elle trouvait cela effrayant... d'agir, sans penser avant aux conséquences. Mais avec Rodolphus elle venait de faire preuve d'impulsivité, et immédiatement, la peur avait reprit le dessus.

Elle tenta de calmer ses nerfs et ouvrit la bouche pour parler, mais rien ne voulut en sortir. Jurant contre elle même et cette putain de faiblesse qui la tenaillait, la Serpentard se reconcentra et réussit même à offrir un semblant de son sourire à son camarade. « Reste. La baignoire est bien assez grande pour deux... » Elle marqua une pause, se souvint qu'elle était nu, et que de toute évidence, son collègue devait rarement se laver tout habillé, et ajouta en riant à moitié « A moins que ça te gène ? » Elle en doutait vraiment, et si elle avait hésité à le dire, elle ne le regrettait pas. Rod était de ceux qui était rarement gêné en présence des femmes, bien au contraire. Sa réputation le précédant, Harmorica savait à qui elle avait affaire, mais tout cela était bien loin de lui faire peur.

Bien au contraire, elle aimait à savoir être de celles lui résistant. Pas qu'il lui ai déjà fait des avances, ou qu'elle se sente suffisamment bien pour lui, mais il ne l'intéressait pas... Et lorsqu'elle voyait d'autres minettes lui céder, ou lui faire les yeux doux dans les couloirs – comme cette idiote d'Eirin qui semblait le dévorer du regard à chaque pas qu'il faisait – elle avait juste envie d'éclater de rire.

Doucement, elle reprit ses esprits et regagna en assurance alors qu'elle s'éloignait du bord pour faire une place à son camarade. Joueuse, Harmorica lui servit un nouveau sourire moqueur. « Tu veux que je me retourne ? » Elle aimait à le taquiner, toujours de manière soft, pas comme avec certaines de ses victimes, qui subissaient bien pire... Rodolphus n'était pas homme à énerver, et certainement pas ce matin, à voir la lueur à la fois blasé et épuisé dans son regard. La jeune ne voulait ni le froisser, ni même l'embarrasser, et elle espérait qu'il prendrait cette question sur le ton de la plaisanterie. D'habitude, elle n'en aurait pas doué, mais là... il semblait véritablement ailleurs, et à mille lieux de déceler les plaisanteries... Harmorica, pour se rattraper, s'approcha jusqu'au rebord, au niveau du Serpentard et sortit de l'eau jusqu'à la taille pour lui tendre la main. Elle ne s'expliquait pas ce geste, totalement hors situation, et pas du tout son genre. Elle savait par avance que Rod de prendrait pas cette main tendue qui ne signifiait rien... Mais elle se sentait incapable de reculer, et ses yeux étaient plongés dans ceux de son camarade, le fixant avec intensité, et sans ciller, d'un air mi-sévère, mi-compatissant.

En plusieurs années de fréquentation de cette salle de bains, c’était bien la première fois que Rodolphus y rencontrait une fille par hasard. Habituellement, une présence féminine ici en même temps que lui était due à l’organisation d’un rendez-vous, mais certainement pas au hasard. Alors, oui, forcément, c’était un peu surprenant de rencontrer Harmorica ici, et à cette heure surtout. En clair, cela signifiait purement et simplement que le jeune homme n’aurait pas vraiment l’occasion de profiter d’une solitude qu’il se mettait à rechercher de plus en plus.
Il était prêt à s’en retourner. Il aurait bien trouvé quelque chose à faire ou un endroit où rester à ne rien faire, le temps que Laymon en ait terminé avec la salle de bains, mais celle-ci eut une réaction pour le moins inattendue : elle venait de lui demander d’attendre, de ne pas partir comme ça. Et Lestrange, en caleçon près de l’eau, se demandait franchement ce que cette fille pouvait bien avoir en tête. La réponse ne dut pas se faire attendre bien longtemps, mais elle évoquait, dans l’esprit du Serpentard, des choses qui n’étaient peut-être pas dans la tête de sa comparse.

La baignoire était assez grande pour deux, certes, c’était véridique. Par expérience, Rodolphus savait qu’on pouvait même y être à trois. Cette pensée fit naître un début de sourire sur ses lèvres. Ce genre de souvenirs aquatiques étaient certainement bien plus agréables que le souvenir de cette horrible nuit. Putain, même Merlin n’aurait pas pu supporter ça, Rodo en était sûr.

"Depuis quand ça me gêne d’être nu avec une fille nue ?" Evidemment que ça ne le gênait pas du tout. D’abord parce que la pudeur n’était pas vraiment dans les traits de son caractère, ensuite parce que la nudité était un gain de temps et enfin parce qu’il n’avait encore jamais eu l’occasion de se rincer l’œil sur Harmorica, alors qu’ils se connaissaient quand même depuis bien longtemps.

Quand elle lui demanda s’il voulait qu’elle se retourne, le jeune homme secoua doucement la tête tout en faisant lentement glisser son caleçon noir jusqu’à ses chevilles. Nul besoin de parler, parfois, les mots ne suffisaient pas pour traduire une volonté sans la trahir. Alors Rodolphus s’était entièrement dénudé, sans la moindre gêne et sans prendre la peine de cacher quoi que ce soit. Et lorsque la jeune femme s’approcha du bord en tendant la main, dévoilant une poitrine au galbe plus que correct dont les tétons étaient déjà contractés pour une raison que seule Harmorica pouvait connaître, Lestrange arqua un sourcil. Réaction inutile, mais il avait eu l’occasion de voir quelque chose de particulièrement intéressant et, dès lors, ne voyait pas de raison d’esquiver le regard, figé dans le sien, que lui lançait la demoiselle.

"Tu devrais te mettre plus souvent torse nu… ça te va bien."

Le sourire en coin qu’il esquissa alors était loin du rictus qu’on lui connaissait habituellement. Il ne prit pas la main qui lui était tendue. Ce geste ne lui parlait pas vraiment. Par contre, il ne quitta pas des yeux le visage de sa condisciple lorsqu’il se laissa glisser lentement dans l’eau chaude de la baignoire. Il y avait déjà un peu de mousse au-dessus de l’eau et l’eau était à une température qui donnait l’impression d’être dans une sorte de cocon fait d’eau et de confort. Mine de rien, cette fille savait s’y prendre avec les baignoires magiques.

Le jeune homme s’accouda au rebord de la baignoire et ne quitta pas des yeux la préfète.

"Tu m’expliques pourquoi tu es là si tôt ? Je viens régulièrement avant que tout le monde soit levé et c’est la première fois que l’on se croise ici."

Bien sûr, elle s'en doutait. Cela ne l'empêcha de rougir lorsqu'il annonça tout haut que cela ne le dérangeait pas de se trouver nu avec elle dans le bain... Harmorica jura. Mais que lui prenait-il enfin ? Elle qui arrivait toujours à garder une contenance en toute circonstance se retrouvait à rougir devant son collègue. Bon... il fallait avouer qu'il était loin d'être dégueulasse, et la jeune femme ne se gêna pas pour le contempler de haut en bas un moment, jaugeant sa musculature bien dessinée et ses épaules taillées en V. Un petit sourire apparut au coin de ses lèvres pendant que Rodolphus décidait de se montrer sous son plus bel apparat à la demoiselle, sans gène nu pudeur. Elle cru même déceler une pointe de fierté dans son regard.

Enfin, pas de quoi s'en vouloir... Lui même en profitait bien apparemment ! Et il ne fallut pas grande chose pour qu'Harmorica se souvienne qu'elle était à moitié sorti de l'eau. Le Serpentard la complimenta et contre toute attente, elle rougit une nouvelle fois avant de tenter un remerciement, qui sonna un peu comme hésitant. « Heu... Je vais prendre ça comme un compliment. » Elle n'était pas habituée à dire merci. Généralement, c'était plutôt les autres qui la remerciaient, sous peine de se voir punis. Alors ils la suppliaient...

Rodolphus ignora la main tendue de sa camarade, comme elle l'avait deviné, et entra dans l'eau avec elle, créant quelques vaguelettes autour du corps figé de la Serpentard. Cette dernière eut un frisson. Elle ne sut définir si il s'agissait du froid ou si Lestrange lui faisait de l'effet, mais elle se sentit mal soudain. Elle s'enfonça à son tour vivement dans le bain, se cachant à l'aide de la mousse colorée. Elle y avait été fort sur les bulles cette fois, mais elle aimait cette ambiance confortable, moelleuse, et chaleureuse... A voir l'air à l'aise qu'avait prit le Serpentard, lui aussi appréciait l'environnement, et bizarrement, cela rassura Harmorica. Parfois, seule, il lui arrivait de s'imaginer dans le désert, ou bien en montagne, avec la neige sur les pics... Mais là, elle songeait seulement à son bain, et son bien-être. Perdue dans ses pensées, elle faillit louper la question de son collègue, qui s'était installé à son aise, et la fixait intensément.

« Quoi ? Hum... Je n'arrivais plus dormir c'est tout. J'avais besoin de calme, et d'un endroit pour être seule et réfléchir. Me détendre aussi. » C'était loupé pour l'endroit seule... Elle repensait à sa nuit mouvementée et à quel point elle s'était sentie nauséeuse au réveil. Une grimace se peignit sur son visage, et elle nagea lentement en directement de Rodolphus avant se caler à côté de lui. Elle baissa les yeux et se mit à jouer avec la mousse, avant d'oser le regarder à nouveau. « Je suppose que tu venais pour la même chose ? » Elle aurait aimé dire qu'elle était désolée d'avoir dérangé son rituel quotidien, mais ce n'était pas le cas. Alors elle osa un petit sourire joueur et lâcha : « Et puis, tu ne t'es pas dit que si on ne s'était jamais croisés, c'est peut-être parce que je t'évitais ? » La Serpentard aimait s'amuser. Mais à cet instant, elle se demandait si il s'agissait réellement d'un jeu. Ils étaient tous deux préfets, et pourtant ils passaient rarement du temps ensemble... Elles connaissaient des collègues d'autres maisons qui n'auraient jamais fait un pas l'un sans l'autre. Alors que Rodolphus et elle... c'était comme si chacun était préfet et avait une tâche bien précise, mais aucune interaction...

Harmorica le regrettait un peu. Et en vérité, elle n'aurait pas su dire en quoi travailler en duo la dérangeait. Peut-être n'était pas un problème de principe mais un problème de binôme ? Lorsqu'elle trouva les yeux du Serpentard, tout son corps fut secouer d'un tremblement étrange. Elle se noya dans ses prunelles hypnotiques et resta ainsi à le regarder pendant de longues minutes... Un malaise s'installa au creux de son ventre et elle entreprit de le chasser. Pour cela, rien d'autre à faire que rompre le contact visuel. La jeune femme détourna vivement la tête, et, pour faire oublier ce moment étrange à son camarade, elle lui lança de l'eau à la figure avant d'éclater de rire.

Il fallait bien reconnaître que cette jeune fille avait un corps encore inconnu pour Rodolphus… Bien sûr, il savait qu’elle n’était pas plate comme une planche ni raide comme une baguette d’Ollivander, mais, à vrai dire, découvrir ainsi sa collègue était plutôt une agréable surprise.
Certains pensaient que Lestrange s’amusait à collectionner les conquêtes, mais ces personnes-là partaient en réalité avec un a priori, car ils ne connaissaient pas la vérité. Rodolphus ne cherchait pas à s’amuser en se tapant le plus possible de nanas, non, il était dans une sorte de quête du bonheur et ne savait juste pas où chercher, tant l’avenir lui paraissait sombre et incertain… Maintenant, allez faire comprendre ça à des esprits obtus…

La nudité, la pudeur… tout cela était tellement terre-à-terre… Le Serpentard n’en avait que faire. Ce qui comptait, c’était d’être là, de pouvoir accéder à la baignoire et de ne pas perdre son temps à errer d’un pas de métronome dans les couloirs, comme cela lui arrivait trop souvent. Alors, oui, Rodo n’eut aucune gêne en ôtant son dernier vêtement. Il ne prêta pas vraiment attention à l’effet que pouvait avoir son compliment sur Harmorica : bien sûr, il n’était pas indifférent à sa féminité, mais ça lui arrivait si souvent d’avoir envie d’une personne que Lestrange commençait tout doucement à se faire à ce sentiment et à essayer d’y résister. Pas toujours facile, mais c’était nécessaire s’il voulait conserver un tant soit peu d’amour propre.

Dans l’eau, leurs corps cachés par la mousse et les bulles parfumées, les deux jeunes gens semblaient dans un premier temps occuper chacun leur propre espace, sans empiéter sur celui de l’autre. Mais Rodolphus ne détachait pas son regard du visage de sa condisciple. A tort, peut-être. Elle avait beaucoup changé, en sept ans. Elle était loin derrière eux, la petite fille qui avait débarqué à Poudlard et qui semblait désormais être une autre personne… Lui-même avait dû changer pas mal également… surtout depuis que Rabastan avait terminé ses études au Collège Poudlard…

La réponse de la demoiselle semblait aller de soi. Bien sûr, prendre un bain, ce n’était pas dans l’unique but de se laver. Pour ça, il y avait les douches. Non, venir ici, c’était chercher autre chose qu’une simple propreté. Et le jeune homme se retrouvait dans les paroles que prononçait la Serpentarde.

"Même chose pour moi, oui." Ces derniers temps, il dormait peu et mal. Une bonne nuit de sommeil n’aurait pas été du luxe… mais cela semblait tout simplement impossible.

Mais Laymon ajouta quelques mots qui poussèrent Rodo à froncer les sourcils. Elle cherchait à l’éviter ? Ah bon ? Il avait du mal à comprendre… Quelles raisons pouvaient bien pousser cette fille à l’éviter ? Il ne lui avait jamais rien fait de mal… Ils assumaient leurs tâches de préfets et parvenaient à discuter de leurs responsabilités sans se sauter à la gorge… C’était plutôt positif, non ? "Pourquoi tu veux m’éviter ? Qu’est-ce que je t’ai fait ?"

Comprendre ça, ça aurait été sympa. Lestrange savait qu’il n’était pas irréprochable, mais quand il blessait une personne, c’était généralement volontaire et jamais il n’avait voulu cela pour Laymon. Elle aurait presque pu lui être sympathique, en fait, si elle avait été moins distante.
Au fond, pourquoi étaient-ils tous deux distants comme ça, alors que quand Myria était préfète, Rodo et elle pouvaient s’entendre à merveille et passer beaucoup de temps ensemble ? Le fossé entre les deux relations était plutôt époustouflant ! Et c’était pourtant la première fois que ce fait venait frapper Rodolphus. Il avait dû merder quelque part… mais où ?

C’était bizarre… Il n’était peut-être pas comme il fallait avec elle… Il pouvait être un mec bien, droit, vertueux… mais il était un peu maladroit, aussi, et peut-être trop gourmand dans plusieurs domaines… Seulement, là, il se sentait surtout perdu…

Et ses réflexions furent interrompues par une giclée d’eau et de mousse qu’il attrapa en plein visage. Le rire cristallin de la préfète de Serpentard retentit simultanément et Rodolphus dut se passer la main sur les yeux pour en ôter la mousse, sans prêter attention à la mousse qui lui couvrait la joue et le menton, lui conférant une sorte de demi-barbe blanchâtre, toute constituée de bulles.

Lestrange plissa les yeux. "Tu veux jouer à ça…" Il n’attendait pas de réponse, en vérité. A son tour, il comptait bien envoyer une vague de mousse sur Harmorica… et pour ce faire, le jeune homme mit bien sa main droite à plat avant de frapper l’eau, en un mouvement partant de sa gauche pour aller vers la droite, envoyant un petit raz-de-marée en direction de Laymon. Il souriait. Il n’avait plus joué à ce genre de trucs depuis bien longtemps… comme s’il avait grandi trop vite et oublié les jeux de l’enfance…

Comme Harmorica l'avait espéré, son camarade se lança à son tour dans le jeu, l'éclaboussant violemment après s'être nettoyé de la mousse qu'il avait sur le visage par sa faute. La jeune femme n'avait pas pu éviter la vague énorme qu'il avait préparée. Elle avait été noyée sous la montagne d'eau qui lui était soudainement arrivée dans la figure, et était restée figée sur place, les yeux fermés et la bouche ouverte comme un poisson. Doucement, elle avait frotté ses yeux et craché l'eau qu'elle avait à moitié avalée, avant d'éclater de nouveau de rire. Puis elle avait entreprit de se venger. Elle s'était avancée vers Rodolphus et l'avait saisit par les bras pour le tirer vers elle, et vers le milieu du bassin, ou la mousse se concentrait en monticules plus hauts et plus denses.

Là, la Serpentard, tout sourire, s'était mise à le recouvrir de mousse, masquant son torse, son visage, ses cheveux, tout en prenant garde à ne pas lui en mettre dans les yeux. Elle avait reculé et rit de son œuvre. « Un véritable bonhomme en mousse ! » A cet instant, elle avait oublié qui elle était, quel âge elle avait, et quelles responsabilités la tenaient. Elle était cette petite fille qui avait grandit seule dans une grande maison, parce qu'on avait gardé le secret de sa véritable nature. La petite fille qui s'amusait comme elle pouvait... Entrer à Poudlard avait été difficile. Trop de monde... tous ces enfants, comme elle, elle avait peur de les connaître, de les approcher. Rodolphus avait été parmi eux, et au début, il lui faisait plus peur encore que les autres... Elle n'aurait su expliquer pourquoi.

Ses souvenirs douloureux en tête, Harmorica ne parvenait plus à sourire avec sincérité. Elle reprit les mains du Serpentard dans les siennes et l'attira vers le bas, pour qu'il plonge et se débarrasse de la mousse. Elle plongea avec lui, et garda les yeux ouvert sous l'eau. Elle parvint même à croiser le regard de son camarade, et y lut quelque chose qui la rassura, étrangement. Alors, pendant qu'elle remontait avec lui, elle ne le quitta pas des yeux. La Serpentard avait ignoré la question de Rodolphus quelques minutes plus tôt... quant à savoir ce qu'il lui avait fait pour qu'elle l'évite. En vérité, elle avait dit cela pour plaisanter... mais apparemment, il y avait cru. Et au fond, ce n'était pas totalement faux. Sauf que la jeune femme n'avait pas de réponse. Elle lâcha son collègue et retourna se caler contre le rebord du bassin, les yeux baissés. « Je ne sais pas vraiment ce que tu m'as fait pour que je t'évite... En fait, je crois que c'est moi. Je n'ai pas... envie de m'attacher. » J'ai peur de m'attacher... Comment pouvait-elle lui avouer ça ? Elle qui gardait tout à l'intérieur, qui ne laissait transparaître que sa colère et son arrogance ? S'attacher à Ethan lui avait coûté beaucoup, et encore aujourd'hui, parfois, en public, elle refusait de montrer à quel point elle était proche de lui. Alors avec Rodolphus...

« Tu es fiancé. Je n'ai pas envie qu'on croit des choses. » C'était bête, elle s'en rendait compte. Parce qu'elle n'était pas attirée par le Serpentard. Du moins, normalement. Et qu'il avait Bellatrix. Malgré sa réputation de coureur de jupons, la jeune femme préférait éviter toute ambiguïté. Même si cela n'expliquait pas l'écart qu'elle prenait soin de mettre entre et son collègue. Même si elle savait qu'en faisant cela, elle se mentait à elle-même.

Harmorica releva la tête et poussa un soupire avant de regarda le jeune homme en haussant les épaules. « Je peux rien te dire de plus. Je t'évite peut-être parce que ... tu ne me ressemble pas. J'ai pas envie d'un conflit. Pas avec les Serpentards... » Une nouvelle fois, elle s'appliquait à noyer le poisson. Elle savait que son camarade ne serait pas dupe, mais puisqu'elle n'avouerait jamais avoir peur... il fallait bien trouver quoi dire en réponse à sa question.

Tout ceci mettait la Serpentard mal à l'aise, et elle préféra changer de sujet. Le silence s'installa un instant et elle osa de nouveau sourire. « Je suppose que lorsque tu viens accompagné ici, ce n'est pas pour t'amuser à éclabousser les autres ? » Elle lui servit un regard malin et croisa ses bras sur sa poitrine en signe d'attente.

Jouer dans une baignoire… Rodolphus n’avait plus fait ça depuis près de dix ans. A vrai dire, lorsqu’il était enfant, avec Rabastan, les jeux consistaient surtout à essayer de se noyer l’un l’autre… dès lors, Martelan et Mary-Liz avaient vite mis un frein à leurs jeux fratricides… Les Lestrange n’étaient pas vraiment ce que l’on pouvait appeler une famille exemplaire, mais ils tenaient à leur progéniture. C’était déjà ça.
Couvert de mousse et de bulles, Rodo ne pensait pas aux jeux fraternels de son enfance. Il avait bien trop grandi depuis et cela ne lui effleurait même pas l’esprit. Ce qui le taraudait pour le moment, c’était d’être dans une telle situation, avec cette fille, et de ne pas même avoir envie d’en profiter un peu. Peut-être qu’à force de profiter de certaines choses, il finissait par s’en lasser un peu… qui sait ?

Il se laissait faire, tandis que Laymon faisait de lui une sorte de statue de mousse parfumée. Elle était en train de le recouvrir entièrement et lui ne bougeait pas, ne bronchait pas. Il n’était plus qu’un modèle sur lequel une pseudo-artiste s’adonnait à son art. Elle avait l’air de s’amuser et il ne voyait pas pourquoi il aurait arrêté cela. Ça n’avait rien de désagréable, en fait, et c’était même plutôt sympa d’être ainsi l’objet d’une attention dénuée de toute intention cachée.

Alors, c’était ça, la simplicité ? Agir comme des gamins, sans se soucier de rien ? C’était un peu bizarre… mais quand les deux élèves de Serpentard plongèrent ensemble pour ôter la mousse qui recouvrait leurs corps, il sembla se passer un truc sous l’eau. Non, pas un truc pervers, je vous vois venir… Non, ce fut juste un regard, quelque chose qui n’était pas prévu – encore une fois – et qui avait l’air de transmettre quelque chose… C’était assez incompréhensible et, franchement, Rodolphus était sûr et certain que s’il racontait ça à son ami Aaron, ce dernier ne se gênerait nullement pour rigoler. Parce que, bon, autant être franc : Lestrange était loin d’être un habitué de ce genre de bizarreries. Même s’il ne couchait pas avec tout ce qui avait une paire de fesses et une paire de seins, il fallait reconnaître qu’être nu, dans une baignoire immense, avec une fille nue… eh bien, ça ne laissait pas présager une bataille de mousse ou des choses du même acabit.

Rincé, Rodolphus vit Harmorica se caler sur le rebord de la baignoire, alors elle lui répondit. Enfin, elle répondit quelque chose d’un peu incompréhensible, mais Lestrange était peut-être juste mal réveillé ou trop fatigué pour tout bien saisir. Elle ne voulait pas s’attacher… Non, en fait, c’était clair. En partie.
A son tour, le jeune homme baissa les yeux. Il savait bien ce que cela faisait de s’attacher à quelqu’un et de savoir, par avance, que cet attachement ne pourrait pas se terminer en happy end. Et, au fond, ça le désolait un peu d’apprendre que Laymon craignait que cela ne lui arrive, à cause de lui.

"Tu sais… S’attacher à quelqu’un, c’est pas juste une raison de souffrir… C’est aussi, et surtout, une raison de passer de bons moments."

Et, à en croire tout ce qui avait été dit et écrit jusque là, il fallait foncer, juste pour ces bons moments, parce qu’ils valaient tout l’or du monde et qu’ils étaient, aussi minuscules soient-ils, la meilleure raison d’être en vie.
Lestrange releva le nez lorsque Laymon évoqua Bellatrix. Bien sûr… elle était le cœur du problème. Le cœur de pas mal de problèmes, en fait… et à ce propos, évidemment, Rodolphus savait pertinemment ce que pouvait jouer comme rôle le regard des autres.

"Harmorica… Si tu veux tout savoir, c’est un mariage arrangé. Je n’ai pas eu mon mot à dire. Et je n’éprouve pas les sentiments qu’il faut à l’égard de ma fiancée… Tu vois, j’aurais juste aimé pouvoir être moi-même… mais ça m’est impossible."

C’était le ton de la confidence. Lestrange jouait le rôle qu’on lui imposait de jouer. Il n’était pas libre, il devait agir en bon héritier… et il y avait des choses, dans ce foutu rôle, qui, parfois, lui donnaient juste envie de se foutre en l’air. Et ça, il ne pouvait en parler à personne, parce que, d’une certaine manière, c’était vraiment honteux pour un sorcier de sang pur de vouloir une autre vie.

"Je ne te ressemble pas… Tu ne me ressembles pas… Et alors ? Tant mieux, non ?" Elle était à Serpentard, cela voulait bien dire qu’ils avaient l’un ou l’autre point commun… et puis, quand elle évoqua l’idée de venir ici accompagné, Rodolphus eut un soupir de lassitude. "Tu vois, tu es comme beaucoup de filles… Je ne suis venu ici accompagné que d’une seule fille. Se fier à une réputation, c’est se leurrer, Harmorica. Je suis sensible à la beauté des filles, j’apprécie la compagnie… mais ce n’est pas pour ça que je couche avec toutes celles que je croise."

Rodolphus était de bonne compagnie, et Harmorica appréciait qu'il soit son collègue de 'travail'. Il était quelqu'un d'attachant, et plutôt bien vu, en vérité. Mais la jeune femme faisait un blocage, et elle ne se l'expliquait pas... Peur de s'attacher, en effet. Mais le Serpentard avait raison lorsqu'il disait que s'attacher signifiait aussi de bons moments, des souvenirs heureux. Il suffit à Harmorica de penser à Ethan pour qu'un sourire rêveur vienne éclairer son visage... Avec lui, elle avait tellement de bons souvenirs... Elle n'imaginait pas le perdre, ou bien se brouiller avec lui.
Alors, lorsque Rodulphus évoquait ces 'bons moments', évidemment, elle comprenait.

Bellatrix n'avait été qu'un 'prétexte', mais le jeune préfet se vit obligé de donenr des explications à sa camarade, et Harmorica resta muette pendant de longues secondes. Un mariage arrangé ? Elle aurait dû s'y attendre, le prévoir... c'était tellement de coutume, autant dans ce monde que dans celui dénué de magie...
Et pourtant, elle était surprise, et elle ne put aucunement le cacher. Il était clair que Rodolphus n'appréciait guère sa future femme, mais de là à ne pas la désirer en tant que telle... elle n'aurait pas cru. Un peu gênée, Harmorica se râcla la gorge discrétement et détourna les yeux de son compagnon. Elle se rendait compte que parler de tout cela ne devait pas l'enchanter, et pourtant, il le faisait. Et soudain il parassait tellement... vulnérable.

C'était de cela que la Serpentard avait peur en s'attachant. Devenir vulnérable. Une proie facile. Qui ne sait pas que pour faire souffrir quelqu'un qui tient à ses proches, le meilleur moyen est de s'en prendre à ces derniers ? A l'idée que quelqu'un touche Ethan, Harmorica blêmit et fut parcourue d'un frisson. Elle releva des yeux horrifiés vers Rodolphus et lui avoua cette peur qui lui enserrait le coeur.

« Lorsqu'on s'attache, on devient vulnérable... Tellement exposé... Et ces bons moments, ils sont comme une arme pour nous atteindre. » Elle marqua une pause et avala la boule qui venait de se former dans sa gorge avant de poursuivre, sur un ton moins paniqué : « Alors je préfère m'attacher au moins de gens possible. Je refuse d'être vulnérable. »

Pouvait-elle avouer qu'au fond, c'était pour ces 'gens' qu'elle avait peur ? Non. Harmorica préfèrait passer pour celle qu'on déteste. Egoïste, sans pitié... Même dans ce lieu 'intime', en compagnie d'une personne qu'elle appréciait, de sa maison, et qui semblait la comprendre, elle n'osait pas être totalement elle-même. Toujours elle se cachait derrière cette facade qu'elle s'était construite au fur et à mesure des années. La Harmorica douce, naïve, compatissante, rieuse, et aimante avait été murée bien des années auparavant. Et si parfois la jeune femme la regrettait, et la laissait tenir les reines le temps d'un échange, elle préfèrait généralement ne rien laisser paraître de cette autre personnalité qui lui avait tant coûté à l'époque... Les moqueries, les rires, l'irrespect.

Au fond, tout cela n'était dû qu'à tous ses autres qui avaient cru bon de la rabaisser lorsqu'elle ne voulait qu'être une enfant comme les autres, faire partie d'un groupe, avoir des amis, et s'amuser avec eux, grandir avec eux. Aurait-elle été amie avec Rodolphus si il l'avait connue lorsqu'on se moquait d'elle dans les couloirs ? Parfois, Harmorica aurait simplement voulut faire le test... Elle avait été envoyée à Serpentard pour ses ambitions et sa ruse. Mais personne n'avait jamais dit qu'il fallait être sans pitié, violent et calculateur pour être admis chez les verts et argents. C'était pourtant ce qu'elle avait dû devenir pour faire partie de la 'famille'.

Et aujourd'hui, elle n'était qu'une fille superficielle, comme son camarade lui faisait remarquer dans un soupir. Une fille comme les autres, sans originalité, sans personnalité propre. Juste un pantin qui suit le mouvement, et qui croit les rumeurs...

Mal à l'aise, Harmorica tenta de rattraper le coup en usant de son talent de jeune fille maline et toujours capable de se sortir des pires situations... « Ai-je dit pareille chose ? Et ce n'était pas un reproche. » Elle disait vrai. Insinuer que Rodolphus couchait avec toutes les filles n'était pas forcément négatif, et quant à la jeune femme, elle s'en moquait bien, tant qu'il ne tentait rien avec elle... Harmorica releva la tête et eut sourire sincère à l'intention de son camarade. « Cette fille que tu as emmenée ici a beaucoup de chance. Et... j'espère qu'un jour tu trouveras quelqu'un qui t'aime vraiment, et que tu aimes vraiment. » Son sourire s'élargit, et elle se pencha sur le Serpentard. Sans crier gare, elle déposa un doux et furtif baiser sur sa joue et recula avant de s'enfoncer dans la mousse, comme pour se cacher.

Le silence qui s'installa aurait put être gênant, mais Harmorica le trouva plutôt apaisant, et bienvenue. Elle n'avait pas cessé de sourire, et ses joues s'étaient légèrement colorées de rose, mais elle se sentait bien à ce moment... Songeant à la future femme de son – ami ? – collègue, la Serpentard fit la grimace et eut un rire moqueur à l'intention de Rodolphus. « Sans te vouloir te vexer... je la trouve flippant ta... promise. Et puis... elle est pas un peu vieille pour toi ? » Harmorica plaisantait à moitié, un sourire en coin sur les lèvres, et les yeux pétillants de la malice et de la légèreté qui la caractérisaient en temps normal.

Le problème, à dix-sept ans, c’est que tout est toujours ramené aux mêmes sujets de préoccupations. Comme si rien d’autre n’avait d’importance, comme si, au final, seules quelques petites choses de la vie valaient réellement le détour… A cet âge, les conversations se devaient de tourner autour du sujet des relations. Amicales, amoureuses ou haineuses.
Rodolphus n’était pas le genre de gars à qui les filles se confiaient, pour la simple et bonne raison qu’il se savait loin du bon psychomage à l’écoute que toutes les nanas rêvent d’avoir comme confident. Et on pouvait le comprendre, qu’il n’était pas comme ça, c’était une question d’éducation, d’habitude et de hauteur à prendre vis-à-vis des choses bassement terrestres.

Quand il s’agissait de faire des confidences, Lestrange se savait, là aussi, peu doué. Alors il ne parlait quasiment pas de lui, de ce qu’il vivait, de ce qu’il ressentait. Dans certains moments, il aurait voulu n’être qu’une ombre, pouvoir être silencieux éternellement et ne jamais avoir à justifier quoi que ce soit… mais on ne changeait pas de nature si facilement, malheureusement.
Non, ça n’enchantait pas Rodo de parler comme il le faisait. Se révéler ainsi, à une fille, c’était se mettre en porte-à-faux… mais il ne pouvait pas parler de cela à beaucoup de personnes. Et celui qu’il considérait comme son meilleur ami, Aaron, était trop distant et occupé pour pouvoir prendre un peu de temps pour ces histoires bancales…

Lestrange n’aimait pas Bellatrix, pour l’unique raison qu’il avait l’impression de ne pas la connaître. On lui aurait dit d’épouser une parfaite inconnue, cela aurait été la même chose. Combien de fois s’étaient-ils parlé, elle et lui ? Quelques fois lorsqu’ils étaient enfants… deux ou trois fois pour parler de sujets pas vraiment existentiels quand ils étaient en même temps dans la maison Serpentard… ce qui, en réalité, n’avait duré qu’un an, Bellatrix ayant sept ans de plus que son fiancé, il avait à peine onze ans que sa promise allait quitter Poudlard. Jamais Rodolphus n’avait pu comprendre que ce n’était pas Rabastan qui avait été promis à Bella.

"C’est vrai que plus on aime les gens, plus on est vulnérable, mais…" Lestrange regardait son interlocutrice avec l’air d’avoir étudié longuement la question avant d’être arrivé à des conclusions pareilles… "Imagine que tu ne sois attachée qu’à une ou deux personnes… et qu’elles disparaissent de ta vie du jour au lendemain. Ce serait encore pire. Pour souffrir moins fort, le mieux, je pense, est de s’entourer de suffisamment de personnes pour avoir des exutoires de temps en temps."

L’être humain était un animal social, à en croire Salazar sait quel prof qui avait sorti ça quelques années auparavant, citant un moldu comme si c’était LA référence… Bref. Avoir autour de soi des personnes de confiance, des personnes pour s’amuser, des personnes à qui on pouvait tenir… Rodolphus avait cette habitude d’avoir dans son entourage des sorcières et sorciers bien différents, qui avaient tous une particularité qui les rendait intéressants. Pour les autres, ce jeune Serpentard était un fils de bonne famille conservatrice, qui profitait de ses traits pour séduire de jeunes sorcières. Mais ça, ce n’était que la surface…
Même miss Laymon s’était laissée prendre à cette surface, selon toute apparence. Rodolphus ne savait pas trop s’il devait se sentir égratiné de cela ou plutôt prendre ça comme un compliment sur le rôle qu’il jouait tous les jours pour noyer le poisson. C’était ça, l’essentiel, personne ne devait savoir la vérité.

Lorsqu’Harmorica prononça ses paroles d’espoir, agrémentées d’un baiser sur la joue, Rodolphus ne put s’empêcher de rigoler. "Tu vois, je n’espère même plus. Je vais épouser Bellatrix dans une petite année, je devrai alors m’habituer à elle et apprendre à l’aimer… si c’est possible." L’espoir n’était jamais autre chose qu’une source de déceptions de plus. Comment encore pouvoir croire en quelque chose d’impossible ? Passé un certain stade, il suffisait de faire en sorte que ça n’aille pas trop mal, car le bonheur n’était qu’une vaste arnaque vieille de plusieurs siècles.

Il eut un sourire en coin et arqua un sourcil. Certes, ce que disait cette jeune fille au sujet de la fiancée du Serpentard n’était pas réellement flatteur pour Bellatrix, mais Lestrange s’était déjà dit la même chose, alors…

"Sept ans de plus que moi… J’imagine qu’elle aura plein de choses à m’apprendre…" Il avait dit cela sur le ton léger d’une blague, mais en réalité, il avait quelques craintes pour la nuit de noces. "J’espère juste qu’elle ne me demandera pas de réaliser des fantasmes trop glauques… ou de lui lisser les cheveux le matin !"

Cette fois, le ton était un vrai ton léger. Rodolphus prit une bonne poignée de mousse qu’il lança en direction de sa camarade de maison. "Pourquoi tu la trouves flippante, toi ? Si ça se trouve, tu connais Bellatrix mieux que moi je la connais…"

Parler avec Rodolphus lui faisait du bien. La jeune femme se sentait étrangement à l'aise. Comme si entre eux, les choses coulaient de source, alors qu'il s'était installé un léger malaise, sans aucun doute. Cependant, elle n'y prêtait plus attention. Leurs tenue d'Adam s'étaient envolées de ses pensées, et ils n'étaient plus que deux ados discutant amitié et amour. Rodolphus avoua qu'il préférait s'entourer de monde, histoire d'éviter d'être seul et oublié si les rares personnes qu'il aimait terminaient mal. Harmorica lui avait annoncé faire le contraire quelques instants plus tard, et si elle restait sur sa position en ce qui la concernait, elle n'en comprenait pas moins les motivations de son camarade.

Elle lui sourit gentiment. « Je ne le ferai pas. J'en suis incapable... Mais je te comprends. » Évidemment, elle ne précisa pas en quoi elle en était incapable. C'était un fait : approcher les autres la bloquait, et elle avait très peu de véritables amis. Les autres étaient à peine considérés, et elle ne leur accordait de l'importance que pour lui rendre service, et paraître un minimum sociable.

Mais celle dont parlait Rodolphus n'était pas son amie, ni même une connaissance. Le jeune homme avoua que sa future femme était plus âgée que lui de 7 années, et Harmorica haussa les épaules. Elle l'avait imaginée bien plus vieille en vérité. Les blagues de son compagnon la tirèrent de ses réflexions, et elle rit de bon coeur en visualisant le Serpentard en train de lisser les cheveux de sa compagne. Visiblement, il arrivait à en plaisanter, mais la jeune femme ne pouvait s'empêcher de sentir des incertitudes et des craintes dans sa voix. Lui aussi se cachait derrière une façade pour paraître sûr de lui et intouchable. Ce qui leur faisait un point commun en plus. Il saisit de la mousse et la lança sur sa camarade, qui rit de plus belle, heureuse de voir qu'il était toujours lui-même.

Harmorica ne s'attarda pas sur le sujet, et entreprit de rassurer de le rassurer. « Si elle te demande des choses étranges, je pense que tu seras assez doué pour ne pas te laisser faire ! Après tout, ce n'est pas parce qu'elle est plus âgée qu'elle doit dominer. Tu es un Lestrange. C'est une Black. Différente des autres peut-être, mais elle reste une Black. »

En vérité la Serpentard n'était pas sûre de ses arguments. Mais elle ne mentait pas lorsqu'elle disait que Rodolphus n'était pas forcement le soumis dans l'histoire. Elle avait même beaucoup de mal à l'imaginer attendre qu'on lui dise quoi faire, lui qui semblait avoir le contrôle sur tout ce qu'il entreprenait... Un autre leurre peut-être... Il la questionna sur Bellatrix, et la raison pour laquelle elle la trouvait flippante. Une question simple, pour une fois ! « Cette fille semble sans pitié. On le lit dans ses yeux. Et ses sourires, ses airs de sainte, ce ne sont que des faussetés, des manières de nous mener en bateau. Elle est aussi fourbe qu'un serpent, et change de peau aussi facilement qu'eux. Après tout, c'était une Serpentard elle-aussi, la seule des Black... ce n'est pas un hasard. » Un frisson parcourut tout son corps, et Harmorica avoua sa plus grande crainte, ses yeux perdus dans les prunelles sombres de son compagnon. « J'ai l'impression qu'elle n'a pas de cœur, qu'elle est incapable d'aimer. » Après tout, cela lui apportait-il quelque chose de marier Rodolphus ? Elle aurait son nom, voilà tout.

A voir la tête de son camarade, la jeune femme s'empressa de préciser : « Évidemment ce n'est que mon avis. Et je ne l'ai vue qu'une fois furtivement. Ce ne sont que des hypothèses... » A lui de voir si il décidait de se méfier comme elle le faisait, ou bien réussir son mariage et avoir encore l'espoir d'être aimé pour lui, et non pas pour un nom de sang pur, de gloire, et d'argent.

Harmorica se sentait mal à l'aise d'avoir parlé aussi sérieusement. Elle entreprit de crever l'abcès en rendant à son ami son sourire et son côté frivole. Une éclaboussure dans la figure le sortit de ses songes, et elle lui sourit malicieusement. « Te prends pas la tête, tu as encore toute l'année pour ne pas penser à elle, et t'amuser comme tu veux. Tu es libre, profites en ! » Un clin d'œil en plus de cela, et elle avait de nouveau l'impression que l'ambiance était à la plaisanterie et la simplicité.

Excuses :

[list][justify]L’eau qui entourait les deux corps avait le don de prodiguer un effet rassérénant proche de celui que l’on ressentait juste avant de se torcher après avoir ingurgité des litres d’alcool. C’était la magie de la salle de bains des préfets, tout cela.
Chez les Lestrange, tout le monde aimait le feu, mais tout le monde aimait aussi trainer dans une eau tiède et agréablement parfumée. Rodolphus ne se souvenait même pas s’il avait un jour pris un bain sans que la peau de ses doigts ne finisse plissée par la trempette. Au fond, rester dans l’eau, c’était une très bonne manière de se détendre, sans causer le moindre souci autour de soi, sans craindre d’être dérangé et sans qu’il n’y ait rien de plus important que l’instant présent.

Harmorica et lui avaient des visions diamétralement opposée de la vie sociale. Ce qui amenait la question insidieuse : pourquoi, avec de telles idées en tête, acceptait-elle de converser avec lui ? N’était-ce pas légèrement contradictoire ?
A un autre moment, le Serpentard aurait très certainement fait remarquer cette incohérence entre le discours et l’attitude de son interlocutrice, mais pas cette fois : cela n’aurait qu’été le meilleur moyen de briser la magie du moment… et ça, il ne le voulait pas.
Alors il s’était tu, se contentant d’opiner, avait de jouer avec Harmorica à se balancer de la mousse. C’était de l’amusement bon enfant, comme Rodo n’en avait quasiment jamais l’occasion… Et c’était amusant de faire ce genre de choses que les enfants pouvaient faire sans arrêt… Quelle avait donc été la jeunesse des frères Lestrange ? Les jeux innocents, il n’y en avait pour ainsi dire pratiquement pas eu… Voir une fille rire comme ça, c’était bien différent. Et puis… peut-être qu’elle avait raison à propos de Bellatrix.

"Je pense que je vais garder ça en tête. C’est la meilleure manière de ne pas la laisser avoir le dessus."

Après tout, comme Harmorica venait de le dire, il était un Lestrange et rien que le fait de porter ce nom devait constituer un atout formidable pour lui. Il suffisait peut-être de faire comme sa mère avait toujours fait : mépriser sa moitié pour avoir plus d’emprise et de poigne dessus. Oui c’était certainement LA solution.

Comme pas mal de jeunes gens, miss Laymon avait des idées reçues au sujet de Bellatrix Black. Il était de renommée publique que la promise de Rodolphus était surnommée « la Folle », « la Dingue », « la Psychopathe »… C’était cette réputation houleuse qui générait une certaine crainte chez le jeune homme, en réalité… Lui qui avait plutôt tendance à être attiré par des jeunes femmes douces, capables de tendresse et de sentiments…
Cela dit, Harmorica avait l’honnêteté de développer son idée. Aucune pitié… ça, il le savait et pouvait, pensait-il, s’en accommoder, puisque lui-même pouvait faire de même. La fourberie et la fausseté, là, il avait un peu plus de mal… Si c’était facile quand il s’agissait d’obtenir quelque chose, ces talents chez Rodolphus se cantonnaient à cela. Il utilisait la ruse pour arriver à ses fins, mais il finissait toujours par faire tomber le masque, à un moment ou un autre, parce que jouer un rôle semblait demander beaucoup plus d’énergie qu’être soi-même.
Là où le jeune homme baissa les yeux, après avoir senti le regard d’Harmo, ce fut quand sa comparse évoqua l’absence de cœur de sa fiancée. Une incapacité à aimer…

Sa bouche se tordit en un rictus.
Si cette anamnèse s’avérait vraie, les années que durerait son mariage seraient les plus sombres de sa vie. Cela signifiait qu’il allait devoir se trouver un exutoire, un vrai, capable de le vider de toute la rancœur qu’il risquait d’accumuler… Et puis, si elle était incapable de l’aimer, pouvait-il, lui, l’aimer un jour ? N’était-ce pas, à coup sûr, envoyer son balai se fracasser droit dans le mur ?

Rodolphus ne voulait pas imaginer ce que serait sa vie si tout cela était vrai. Ça tombait bien : Laymon lui envoya à nouveau de l’eau mousseuse en plein visage, histoire de détendre l’atmosphère pesante. Le sourire de cette fille semblait plein de lumière, d’un seul coup, et ses paroles résonnaient comme étant pleines de sagesse. Oui, il était libre pour l’instant. Et rien ne l’empêchait d’aimer une autre femme que la sienne si cette dernière était incapable de l’aimer. La famille comprendrait. Le reste… ça n’avait pas d’importance.

"Tu sais quoi ? Tu as raison ! Je ne vais pas me mortifier maintenant." Il s’approcha d’elle et lui déposa un baiser sur la joue. "Merci pour ta sincérité, Harmo… Je ne sais pas pourquoi tu as été honnête avec moi, mais j’apprécie."

Sujet: Re: Snake souls in a bubble bath [PV Rodolphus]