Aliénor. de N. — now i'm lost. Because of ... »

aliénor de narsès. —

« Le soleil est dans mes songes. Le soleil est un mythe. On y croit si on veut. On y croit quand on peut. Mais rien ne l’empêchera jamais de brûler ma peau. »

▌ Pour apprendre à aimer, il faut apprendre à marcher. Et moi… Personne ne m’a aidée quand je suis tombée. Mes parents étaient sorciers. Mon père bossait au chemin de Traverse, je ne le voyais pas trop, quant à ma mère... J'en sais trop rien. Et puis à vrai dire, je m'en fous. Heureusement que ma tante était là et qu’elle veillait sur moi. Sinon, je serais peut-être dans un fossé. Le nez dans la boue, les ongles retournés et l’esprit… Ailleurs. Dans un autre Ailleurs, près de l’étoile du ciel, celle que je regardais quand j’étais si petite. J’aimais les étoiles parce que je pensais qu’elles existaient juste pour me protéger. Parce qu'à l'époque encore, on disait que toute chose avait une raison d’être. Alors le ciel… A quoi sert-il, si ce n’est à prêter son ventre à ceux qui meurent et qui montent là-haut. Je me souviens de ce que j’ai ressenti quand mon père est mort. Il ne m’avait pas souvent serrée dans ses bras, mais je l’aimais quand même, parce que quand on a sept ans et qu’on manque d’amour, on manque de tout, et on cherchera toujours une main à laquelle agripper pour ne pas se perdre. C’est ainsi que marche la vie. C’est ainsi que marche l’amour. Son visage était blême. Je retrouvais la même pâleur que celle de ma poupée Xena, Xena l’étrangère, papa l’étranger à la vie, moi l'étrangère à son cœur. Une nuit, il hoquetait et moi je comprenais déjà que tout s’arrêtait. « Arrête papa ! Arrête de mourir ! » Et je plissais les yeux parce que je voulais faire tomber une larme qui restait coincée au bord de mon œil. Elle glissa le long de ma joue et mouilla son front brûlant. Je crois qu’on n’a jamais sauvé personne avec des larmes. Contrairement à ce que les adultes racontent dans certains contes de fées moldus, l’amour n’arrête pas la mort. Tout comme la mort n’arrête pas l’amour. « S'il te plait ? »

▌ Après la mort de mon père, je ne voulais plus continuer à faire semblant d’être une gentille fille. J’en voulais aux autres, et j’en voulais au ciel. Je détestais ma mère et ça m’était égal. Mais pourtant, j’ai continué à grandir. J’ai continué à parler, à sourire, et à rire. J’étais heureuse. Ma mère me délaissait, mais je m’en fichais. J’aimais ma tante. J’aimais ses yeux bleus et j’aimais sa bouche rose. Quand elle venait me chercher pour me garder pendant que ma mère faisait on ne sait quoi avec on ne sait quel sorcier, j’étais aux anges. J’étais une gamine très…. Très contradictoire. Paradoxale même. Je ne me comprenais pas vraiment moi-même, alors les autres… Et puis je n’avais que faire des autres. Qu’ils aillent au diable. « Un sentiment ça nait comment ? » Ai-je un jour demandé à Pénélope alors qu’elle s’occupait de ranger mes affaires façon sorcière. « Un sentiment ? Ça ne nait pas. Ça se réveille, juste. On ne le voit pas. On ne le sent pas. On n’imagine pas qu’il est là. Mais il existe. Et c’est quelque chose d’extrêmement fort que d’aimer pour la première fois. » Aimer… ? « Moi je ne veux pas apprendre à aimer. Je veux apprendre à détester. » C’est à cet instant que dans les yeux de ma tante s’est mise à luire cette étincelle de frayeur que j’avais vue s’éteindre la nuit où mon père était partie de la terre. Elle m’a regardée, a posé son index sur ma bouche et m’a dit de me taire. « La haine ça ne s’apprend pas Aliénor. Tu ne dois pas penser ça. » En fait, je savais bien. J’avais appris. J’avais appris à haïr comme on apprend à danser. Les autres ne me parlaient pas. Ils avaient peur de moi parce que j'étais étrange. Ils n'étaient pas gentils avec moi. Et je ne les aimais pas. Mais au final, ça m’allait très bien. Ça m'allait bien au teint.

____________« Pourquoi es-tu aussi hargneuse Aliénor ? Que t’a-t-on fait pour que sois aussi dédaigneuse avec les autres ? A-t-on mangé ton cœur ? A-t-on caché la lune ? A-t-on volé ton âme ? »

▌ Personne ne comprendra jamais Aliénor. Personne ne comprendra jamais comment une petite fille si gentille est devenue aussi dure. Aussi froide. Aussi tueuse. Aussi tueuse de lumière. Entre les deux, une distance. La même que celle de la terre à la lune. Aussi lointaine dans sa tête, aussi lointaine dans son cœur.

▌ A 11 ans, elle est allée à Poudlard. Elle a quitté son école pour rejoindre le monde sorcier. Elle a quitté sa tante. Ou plutôt, c'est Pénélope qui est partie. Elle est partie... Ailleurs, tuée par un sorcier lambda qui la tua pour une montre en or et quelques gallions misérables. La mère d'Aliénor n'expliqua jamais rien à sa fille. Elle la plaça juste... Là-bas. Aliénor à Poudlard. Aliénor, Serpentarde évidemment. La haine commençait à distiller le poison dans son cœur, et peu à peu, elle devenait celle qu’on ne fréquentait pas. Elle était fuie par les autres enfants. Elle ne parlait pas beaucoup. Il n’y’avait que cette fille aux cheveux rouges qui osait lui adresser la parole. Eris. Une gosse qui avait un œil à moitié blanc, parce qu’elle était née comme ça. C’était une enfant de moldue. Aliénor ne se sentait pas méchante avec elle. Elle lui faisait pitié. Eris avait pitié d’elle aussi, parce que c’est un sentiment qui marche dans plusieurs sens. Aliénor ressentait la tristesse d’Eris quand elle essayait de pleurer de son œil qui ne voyait rien. Elle aurait voulu pleurer à sa place, si ça pouvait la soulager, mais Aliénor avait apprit à ne plus jamais pleurer. Elle avait beau vouloir, les larmes ne coulaient plus. Les deux gamines se tenaient toujours par la main sous le saule cogneur du parc, si bien que les autres les regardaient de leurs yeux sceptiques. Après la fin de leur scolarité, elles continuèrent à se voir et à échanger des regards tendres entre deux rendez-vous, alors qu’elles s’apprêtaient à entrer dans le monde réel de la sorcellerie. Elles devaient avoir vingt-et-un ans à peu près. L’une avait juste quelques mois de moins que l’autre. Un jour, Eris s’approcha un peu trop près d’Aliénor et déposa un baiser au coin de ses lèvres. Aliénor baissa le regard, avant de la frapper à la tête avec une violence peu commune. Eris s’affaissa sur le pavé. Elle n’avait embrassé personne, jamais. Aliénor était synonyme de solitude. Mais en voyant sa copine, la tête contre l’asphalte et les bras salis de terre, elle sentit ce qui devait ressembler à un bout de remord se glisser dans son esprit, entre la haine et la crainte d’être aimée. Elle avança une main incertaine vers elle et la prit dans ses bras en essayant d’être tendre, pour une fois dans sa vie. Elle ne pleura pas ce soir-là. Elle ne pleurait jamais. Elle passa la nuit à côté de son corps, sans pour autant éprouver le moindre chagrin qui se serait vu de l’extérieur. Personne ne passait dans cette rue, personne jamais. Elle en profita pour rester éveillée sans la quitter des yeux, comme si elle attendait un réveil ou un mouvement de sa main. Au lendemain de son crime, Aliénor s’éveilla les mains rougies d’un sang invisible qu’elle voyait quand même. Elle laissa son regard balayer les environs déserts. En voyant le corps, elle ne réagit pas plus que la veille. Elle se leva et abandonna la seule qui ait comptée à ses yeux sans jamais compter malgré tout. « Je ne ressens plus rien. Je ne ressentirai plus jamais rien. » Disait-elle à son reflet au miroir de la salle de bain.

« L’abandon n’existe pas. Il n’y’a que des mains qui se desserrent et des larmes qui couleront peut-être plus tard. Des Au revoir qui se perdent dans le vent. Mais l’Adieu n’existe pas. Il n’y’a que la mort qui sépare les amoureux. »

▌ A vingt-six ans, Aliénor était devenue la plus insensible des femmes. Elle avait goûté au meurtre et au bruit des os qui se craquent, à celui du sang qu’on fait couler dans sa gorge, à celui des corps qui tombent et des yeux qui s’éteignent. Là où elle passait, le crime naissait. Elle étalait le rouge sur les robes des autres filles. Elle donnait aux hommes le plaisir de pouvoir la séduire. Mais au moment où leurs langues se croisaient, sa baguette les achevait. Tuer pour le plaisir. Tuer pour le seigneur des ténèbres. Elle avait rejoint les rangs des plus sombres de ce monde. Elle avait rejoint les rangs des plus fous. Elle n’écoutait plus personne. Elle n’écoutera plus personne. Torturer par sadisme c’est plus excitant que d’entendre un mot d’amour s’échapper par mégarde. Parce que l’amour, elle ne connait pas, elle ne connait plus. L’amour, ça s’est tué pour toujours. Enfin, c'est ce qu'on croyait. Et c'est la seule chose qui puisse lui faire vraiment peur. Mais... Aliénor... D'ordinaire... Les gens ont peur de ne pas être aimés. Pas... D'être aimés.