L'herbe serait-elle moins verte chez l'autre ? ♣ Myria&Madison

C'était une journée plutôt calme qui avait commencé aujourd'hui. Elle avait revu Rodolphus il y a peu et ils en avaient profité pour se mettre d'accord sur leur futur. Depuis, ils n'avaient plus eu l'occasion de se parler mais ça ne tarderait sans doute pas. Pour aller occuper son poste, Myria avait revêtu une robe de sorcière mauve sombre, brodée de petites fleurs noires. Elle l'avait faite faire sur mesure durant les vacances d'été. Ses cheveux étaient relevés en un chignons élégants, pour ne pas risquer de tremper dans son pot d'encre. Entourée de livres, sagement posés sur leur étagères bien rangées, Myria était assise à son bureau et vérifiait le registre. C'était là qu'était noté quel élève empruntait quel ouvrage. Ils avaient le droit de les garder pendant trois jours et elle regardait que personne n'avait oublié de le rendre. Le cas échéant, ça serait un rappel à l'ordre et une beuglante pour les multiples récidivistes. Elle notait sur un parchemin le nom des retardataires. Le grattement de la plume sur le papier, l'odeur du bois et du parchemin, les murmures des quelques élèves présents... Ce contexte lui était agréablement familier. Ce n'était pas l'heure à laquelle la bibliothèque était la plus fréquentée. Heureusement car Jorgen était parti se chercher quelque chose à manger (comment faisait-il pour rester aussi mince ?) et elle était seule pour surveiller les étudiants.

Arrivée au bout de sa liste, elle la roula et la rangea dans un tiroir. Elle s'occuperait d'envoyer les rappels plus tard. Elle referma l'épais registre qui émit un claquement sonore. Elle se leva pour aller le ranger dans une étagère proche de son bureau, spécialement dédiée aux documents administratifs. Des bruits de pas s'approchent d'elle... Quelqu'un aurait-il besoin d'un conseil ?

Madison avait passé la matinée à parcourir le château à la recherche de jeunes gryffondors à embêter avec son amie Allison. Les deux serpentardes passaient le plus clair de leur temps ensemble. Elle étaient totalement inséparables. Leur passe-temps préféré: montrer qu'elles étaient plus puissantes que les autres. Le statut de sang-pur de Madison lui enflait beaucoup trop la tête, mais elle s'en moquait. Tant qu'elle restait populaire et qu'elle avait des bonnes notes pour avoir un avenir de mangemort. Malheureusement, elles n'avaient trouvé aucune victime, mais elles avaient essayé d'entrer dans les autres salles communes pour s'amuser.

Elle avait dû bien vite quitter son amie, car elle avait des travaux à faire. Elle avait à peine commencée et elle devait les remettre le lendemain. En plus, c'était un devoir de sortilège, son cours préféré. Elle ne voulait donc pas décevoir le professeur. Elle voulait absolument avoir un bel avenir, donc elle devait se forcer dans toutes les matières. Elle souhaitait avoir les meilleures notes possible. Elle décida de se rendre à la bibliothèque, afin d'être plus tranquille et d'avoir des manuels à proximité en cas de besoin. À chaque fois, elle oubliait que sa cousine travaillait à Poudlard, à la bibliothèque plus précisément. Quelle fut donc sa surprise en la voyant, assise derrière son bureau, l'air sérieux. Elle passa son chemin et alla s'asseoir à la table la plus éloignée de son poste de travail. Elle n'avait pas particulièrement envie de faire la conversation avec elle. Elle avait autre chose de mieux à faire. Madison eut bientôt besoin d'une information dans un livre, alors elle se levai pour aller le chercher dans l'étagère. À son plus grand malheur, Myria était là exactement où était le livre dont Mady avait besoin. Elle attendit en retrait que celle-ci parte afin qu'elle puisse pendre son livre, mais elle avait sentie la présence de la serpentarde et se retourna vivement. Mady n'avait d'autre choix que de prendre la parole, rien que pour embêter sa cousine. Toutes deux ne se portaient guère dans leurs coeurs.

- Tien, tiens.. Si ce n'est pas ma charmante cousine, dit-elle d'un ton sarcastique.

Myria et Madison n'avaient jamais été très proches et la serpentarde ne s'était jamais empêcher de lui montrer sa haine. Le fait que Myria et son père ne veuille rien savoir de la magie noire désappointait Mady et elle leur faisait savoir plus souvent qu'autrement.

Si la personne qui se trouvait en face d'elle avait besoin d'un conseil quelconque, Myria doutait qu'elle accepte le sien. Si la jeune fille faisait partie de sa famille et de sa maison, elles n'avaient pas véritablement reçu la même éducation. Sur la branche cadette de la famille, un peu plus de fierté et un peu moins d'ouverture d'esprit. Un peu plus de noirceur aussi. Myria voyait très bien l'attrait qu'avait la magie noire et s'y était même un peu intéressée, théoriquement bien sûr. Mais la vénérer et la mettre au dessus de tout aussi ouvertement, elle ne pouvait s'empêcher de trouver ça stupide. Déjà parce qu'Azkaban, non merci, elle n'avait pas envie de passer le reste de sa vie dans une minuscule cellule avec des Détraqueurs pour seule compagnie. Mais aussi parce que quitte à utiliser effectivement la magie noire, autant que ton adversaire ne sache pas que tu as ce tour dans ton sac.

Comme elle s'y attendait, à force c'était presque une évidence, Madison ouvrit le bal des hostilités. Myria, si cela n'avait tenu qu'à elle, aurait bien aimé l'ignorer, froidement et hautainement, comme elle savait très bien le faire. Maintenant qu'elle lui avait directement adressé la parole, ce n'était plus possible, évidemment. A défaut, elle pouvait toujours tenter de résumer la conversation à sa version la plus courte. Puisque Jorgen n'était pas là, elle ne pouvait même pas s'en aller. La bibliothèque resterait alors sans surveillance et Merlin seul savait ce qui pourrait arriver. Intérieurement, elle soupira. Elle rangea l'ouvrage qu'elle tenait en main à sa place, croisa les bras et plaqua un sourire sur son visage.

« Madison, cela faisait longtemps. » Pas assez longtemps, aurait-elle bien ajouté, mais ça n'aurait pas été digne d'elle. « Que puis-je faire pour toi ? »

Son sourire était faussé, mais elle ne pouvait pas faire mieux. Elle travaillait après tout. Elle n'avait pas envie de s'attirer des ennuis parce qu'elle avait hurlé sur une élève.

À sa grande surprise, Myria déposa ce qu'elle avait entre les mains et la regarda froidement. Madison avait tenté sa chance, croyant que Myria allait se contenter de l'ignorer, comme c'était le cas lorsqu'elles se croisaient dans les couloirs. La serpentarde savait très bien que ce n'était pas son genre d'être méchante, ce qui ne faisait qu'amplifier sa vulnérabilité et le plaisir de Madison, du coup. Bien que Myria soit sa cousine, elle ne l'avait jamais porté dans son coeur. Elle ne devrait pas être méprisante envers elle. Sa cousine était plus âgée, alors Madi aurait pu la craindre, mais au contraire, elle prenait plaisir à la rabaisser pour se sentir supérieur à elle. Certains diront que d'agir ainsi envers un membre de sa famille est un signe de faiblesse, mais Madi n'est pas de cet avis. En réalité, elle s'en fiche un peu.

- Effectivement, cela fait longtemps. Je commençais à m'ennuyer... Toujours ce ton sarcastique. Je pourrais prétendre que j'ai besoin d'un quelconque renseignement pour mon devoir, mais ce n'est pas le cas. Tu me connais, je ne suis pas hypocrite. J'avais simplement envie de t'embêter un peu. Après tout, le travail de bibliothécaire ne doit pas être trop épuisant.

Sa haine envers Myria n'avait jamais été vraiment fondée, mais quand elle repensait à son oncle, qui n'aimait pas particulièrement son propre père à elle, elle perdait toute bonne manière. Leurs problèmes affectaient les deux jeunes filles qui n'avaient d'ailleurs pas grandi dans une ambiance chaleureuse et qui n'avaient pas reçu un très bon exemple paternel. Madison n'avait jamais caché sa tendance à chercher la chicane et ce n'est pas aujourd'hui que ça changerait. Elle prit un livre dans l'étagère à sa droite et fit mine de s'y intéresser. Mais, elle rajouta néanmoins un peu d'huile sur le feu.

- Tu sais que mon père a échappé au ministère l'autre jour ? Ils parlaient de lui dans les journaux.

La jeune fille avait dit cela sur un ton fier. Elle avait toujours admiré son père et elle désirait plus que tout suivre ses traces dans le futur. Le fait qu'il fasse souffrir d'autres gens ne l'affectait guère et elle trouvait qu'il fallait beaucoup de courage pour une telle vocation.

Elle aurait du se taire, sans doute, c'aurait été plus simple pour tout le monde. Cependant, elle ne l'avait pas fait et il était désormais trop tard. Comme si elle avait tourné une vanne, les paroles mesquines s'écoulaient, sans qu'elle ne puisse rien faire pour les arrêter. Pour ne pas réagir de manière déplacée, elle serra les poings. Elle se doutait que Madison jouait sur sa retenue naturelle pour la blesser en ne risquant rien. Elles se seraient trouvées en privé, la situation aurait peut-être été différente. Myria était son aînée et était plus appliquée à l'étude ; elle aurait pu la faire taire d'un coupe de baguette. Elle ne voulait pas de tache sur sa réputation cela dit. Et martyriser une élève pendant ses heures de travail ne serait pas bon pour son avenir. Elle respirait lentement, pour ne pas s'énerver. Une petite voix dans sa tête lui disait qu'il était déjà trop tard pour ça. Puisqu'elle n'était la que pour l'embêter, elle n'avait pas à s'occuper d'elle outre mesure. Elle préféra l'ignorer, froidement et simplement. Elle se rassit à son bureau tandis que sa cousin faisait mine de feuilleter un livre. Myria doutait qu'elle aie un véritable intérêt pour les Siffleurs dans leur milieu naturel, comme l'annonçait la couverture. Soit.

La phrase qu'elle ajouta fut celle de trop. Myria tourna son visage vers elle, un sourire glacé sur le visage.

« Oh, tant que nous sommes dans les nouvelles. Tu savais que j'ai décroché un poste au ministère ? »

Son sourire s'agrandit. Savoir que dans quelques années, elle signera peut-être l'acte d'emprisonnement de personne comme son oncle la réjouit un peu. Comme si elle effaçait une partie de l'histoire familiale par ses actions.

« Au département de la Justice. »

Elle n'espérait pas forcément que ça lui reclaperait le caquet. Au moins, c'était une réponse qui mettrait de la distance, à défaut d'apaiser les tensions. Et qui n'était pas inappropriée sur le lieu de travail.

Myria avait toujours été studieuse. Madison, elle, était très ambitieuse, très rêveuse. La bibliothécaire voyait rose, elle voyait noir. Myria faisait le bien, Madi le mal. L'une était l'ombre, l'autre la lumière. Elles avaient toujours été différentes, opposées, autant dans leurs opinions que dans les attitudes. Même leur apparence ne laissait pas supposer qu'elles étaient de la même famille. Elle était brune noisette tandis que Madison était blonde comme le blé. Ce n'était pas pour rien qu'elles ne s'entendaient pas. Elles n'étaient pas faites pour s'entendre. De toute façon, c'était rare que Madi s'entendait avec quelqu'un. Même sa propre soeur, elle avait du mal à la sentir. Elles étaient sans cesse en compétition. Madison était jalouse. Son aîné pouvait être cruelle au naturel, Madison se forçait pour être désagréable, car au fond, elle était très gentille avec ses amis et les gens qu'elle aimait. La serpentarde savait que son grand-père désapprouverait son attitude. Il ne lui avait pas inculqué de telles valeurs et serait triste de voir qu'elle était si méprisante envers sa soeur et sa cousine.

Sa cousine alla s'asseoir à son poste tandis que Madison faisait semblant de regarder un livre. Elle savait que sa cousine ne serait pas dupe de son petit manège. Au regard que lui lança sa cousine, Madi comprit qu'elle avait dit une parole de trop. Myria eu un sourire glacial avant de lui lancer une réplique digne d'elle. Réplique à laquelle la serpentarde s'empressa de répondre, toujours aussi méprisante.

- Chouette. Ça veut dire qu'on aura enfin une nouvelle bibliothécaire ! J'avoue que tu vas me manquer, dit-elle en riant.

Quand elle rajouta qu'elle travaillerait au département de la justice, Madi se figea pendant quelques secondes, mais reprit contenance aussitôt. Département de la justice. Rien que ça ! Si elle pensait que ça allait changer quoi que ce soit, elle se trompait. Elle faisait cela pour se venger de sa famille, mais cela ne marcherait pas. Ça ne ferait qu'empirer la situation. Certes, le ministère était puissant parce qu'il avait la loi de son côté, mais les mangemorts l'étaient aussi, car ils n'hésitaient pas à frapper là où ça faisait le plus mal. Elle regarda sa cousine dans les yeux.

- Et tu penses me faire peur ? Que tu sois bibliothécaire ou employée au département de la justice, ça ne changera rien. Tu ne ferais pas de mal à une mouche.

Cette annonce avait provoqué Madison et elle avait de plus en plus de mal à contenir sa colère. Si elle n'était pas bibliothécaire, ça ferait longtemps que la serpentarde lui aurait cloué le bec avec un sortilège. Madison savait mieux se défendre avec les armes qu'avec les paroles, contrairement à Myria.

Pas de mal a une mouche ? Tant que sa cousine en est persuadée, elle ne risque pas grand chose. Elle a vu la crispation qui l'a parcourue un instant, elle sait que, quoi qu'elle en dise, ses paroles n'ont pas été sans effet. Elle lève les yeux au ciel. Que faut-il faire pour avoir la paix ? Elle sait Madison jeune et hargneuse. Elle n'est pas fille à lâcher le morceau facilement. Et Myria a encore bien du travail devant elle, qu'elle ne peut exécuter convenablement dans une telle situation de conflit. La sortie de la facilité ? Elle se redresse et la fixe, pour savourer sa réaction. Elle sait qu'elle a du pouvoir sur elle, officiellement. Elle sait qu'elle a le droit d'en jouer. Elle sourit, calmement, comme expliquant à une enfant une chose des plus basiques.

« Soit. Je te demanderai de baisser d'un ton. Nous sommes dans une bibliothèque et je n'aimerai pas à avoir faire perdre des points à Serpentard. Ou à te donner une retenue. »

Ca, elle sait que son oncle ne serait pas fier si il l'apprenait. Encore moins leur grand-père. Et elle n'hésiterait pas une seule seconde à mentionner un tel incident dans l'une de ses lettres. Mais la blondinette en a-t-elle conscience ? Est-ce que cela suffira à l'envoyer balader ? Rien n'est moins sûr. En tout cas, elle aura essayé.

HS : Désolée pour la longueur D: