ZOEY&REN |#| Ça va sauter?

Ça fait un moment maintenant que je n'ai plus essayé de faire de potions... J'ai du mal avec tout ça, avec le nouveau climat dans lequel je dois évoluer, mes nouveaux camarades, ces habitudes que je dois prendre... En plus, mon anglait reste très mauvais, en dépit de mes efforts, car je ne suis pas là depuis longtemps et, comme certains cours nécéssitent une plus grande maîtrise de la langue que d'autres, j'ai forcément de plus grands difficultés dans les cours en question et, au final, je me sens relativement stupide lorsqu'il m'arrive des bricoles à cause de ces incompréhensions... C'est le cas du cours de potion.

J'ai bien compris que le professeur aimait parfois nous voir faire équipe afin de préparer certains breuvages et, même si cela ne m'a jamais dérangé dans mon pays natal, j'éprouve actuellement une certaine réticence à l'idée de travailler en groupe. Après tout, travailler en groupe, cela veut dire parler, chose que je ne fais plus depuis bien longtemps désormais, et j'ai comme l'impression que chaque travail de ce type va être une véritable corvée pour moi... Je ferme les yeux pendant quelques secondes et pousse un petit soupir quand j'entends le professeur nous annoncer un nouveau travail de groupe... Et je redoute le moment où je l'entendrai prononcer mon nom et celui d'un de mes camarades...

Le verdict tombe. Une certaine Zoey. Une fille de ma maison. Visiblement, nous devons réaliser la potion qui se trouve à la page 19 de notre livre (normal, nous sommes en début d'année après tout)... Une potion de... Je n'arrive pas bien à comprendre ce dont il s'agit... D'après les dessins je pense qu'il s'agit d'une potion assez bizarre, mais je ne comprends pas toutes les inscriptions... Je fronce un peu les sourcils et, quand je rejoins ma nouvelle camarade de cours, je lui adresse un large sourire, bien que je sois peu sûr de moi, avant d'agiter un peu la main pour la saluer.

Je sais pas pourquoi, mais j’ai l’impression qu’elle n’a pas compris que je lui disais bonjour… Peut-être qu’elle a cru que je l’insultais ? Je ne connais pas les gestes par ici, si ça tombe ça veut dire quelque chose de mauvais. Je baisse les yeux et je n’ose pas répondre à ce qu’elle vient de dire car je n’ai pas trop compris son discours… Enfin si, elle m’a dit de m’asseoir alors je le fais, car de toute façon faire cours debout n’est pas la chose la plus intelligente qui soit.

Je constate avec horreur que cette fille parle trop vite pour moi. Je l’entends donc dire quelque chose de trop rapide pour que je puisse comprendre clairement, puis je la vois partir à l’endroit où se trouvent les ingrédients… Je la regarde faire sans rien dire et, en attendant son retour, je regarde le livre en essayant de comprendre ce qu’elle m’a dit de faire… Mettre le livre à la bonne page ? Non, c’est déjà fait. Allumer le chaudron ? Non plus, c’est sans doute déjà fait, ça aussi… Je fronce un peu les sourcils, incapable de mettre un sens sur le baragouinage de la jeune femme, et quand elle revient je l’entends m’adresser la parole à nouveau… Toujours trop vite. En plus, elle n’a pas l’air de très bonne humeur. Cette fois, je comprends quand même quelques mots. Anglais et… Us…Non… Couper ! Oui ! Heureusement qu’elle fait ce geste de ciseaux ! C’est ça qu’elle m’a demandé, les ustensiles !

Après quelques secondes, je pars à l’endroit où se rangent les objets nécessaires à la découpe et à la préparation des potions, puis je les ramène vers la table où je dois travailler avec Zoey. Je lui souris donc, puis je sors mon carnet afin d’écrire quelques mots dessus. Si elle continue à parler aussi vite, ça ne va pas le faire pour moi, alors je dois lui demander.

« Tu peu parler mouin vit’ , s’il te plai ? Je komprends pas tout. »

Bon, j’avoue que même lentement, certains mots m’échappent, mais je m’améliore doucement ! Malheureusement, mon orthographe est encore très mauvaise et j’ai l’impression de m’exprimer dans une langue totalement différente de celle que j’aimerais employer, mais en général les gens comprennent… Ce n’est pas comme si j’écrivais mal, j’écris juste avec beaucoup de fautes car je ne maîtrise pas bien cette langue.

J’ai l’impression que les autres ont déjà avancé dans leur potion et que moi je n’en ai même pas encore compris le nom, alors c’est assez problématique. En plus, j’ai l’impression d’être un poids pour cette fille, mais ça doit être parce que je ne parle pas et que j’ai du mal à comprendre ce que l’on me dit… C’est pour ça que d’habitude j’aime travailler tout seul : je suis assez doué en potion… Du moins je l’étais lorsque j’étudiais encore au Japon… Maintenant, c’est légèrement différent, puisque les livres ne sont pas en japonais.

Habituellement, je n’ai pas de problème en ce qui concerne le cours de potion. Le souci aujourd’hui est bien évidemment que notre manuel n’est pas en japonais, mais bien en anglais, langue dont je ne connais pas encore parfaitement les structures et le vocabulaire, fort malheureusement… Si seulement j’avais pu continuer mes études dans cette école… L’école japonaise dans laquelle je me rendais avant… Je ferme les yeux pendant quelques secondes et j’y pense pendant que je ramène les ustensiles à la demoiselle avec laquelle je travaille.

Je ne comprends pas parfaitement la phrase qu’elle me dit ensuite et, quand elle reprend la parole après avoir lu ma phrase sur le papier, je l’entends poser une question… mais bizarre. J’ai l’impression qu’elle ne parle pas normalement du tout, un peu comme si elle parlait … à un bébé ? Et encore, on ne doit pas parler à un bébé de cette manière car c’est lui donner de mauvaises habitudes. Je soupire un peu mais, comme elle a déjà repris la parole, je décide de l’écouter jusqu’au bout, l’entendant parler de scarabées (il me semble que c’est cela, du moins) et de couper…

Je lève les yeux au ciel quand je l’entends parler et je griffonne quelque chose sur mon carnet avant de commencer à couper les scarabées comme je peux.

« Je sai faire dè possions. J’ai just du malle avec les maux compliqués. Pas besouin de meu parlé kom à un idiot. »

Et comme cela m’énerve que l’on me prenne pour un idiot, j’ai posé mon cahier juste sur ce qu’elle vient de couper. Sérieusement, j’ai l’air d’un imbécile ? Elle n’a jamais vu une personne incapable de parler et, qui plus est, avec une faible maîtrise de sa langue ? Je coupe les scarabées comme je l’ai toujours fait, avec application, après tout je n’ai jamais été nul en potion et mon seul réel handicap en cet instant est le problème de la langue. Je ferme les yeux pendant quelques secondes et je tente de déchiffrer la suite du livre, ou du moins de la recette… Je fronce un peu les sourcils… Après un moment d’hésitation, j’attaque l’étape suivante et, pour tout avouer, je tente carrément de ne pas prêter attention à ma camarade de travail… Elle se prend pour qui, sérieusement ? Je comprends peut-être mal l’anglais, mais je ne suis pas insensible et encore moins aveugle, malheureusement pour elle. Le ton d’une phrase, en plus de ça, ça s’entend.

Cette fille est réellement énervante car j’ai l’impression qu’elle ne réalise pas à quel point je fais des efforts pour communiquer avec les autres. C’est difficile de noter tout sur un carnet, d’expliquer ce que l’on ressent alors qu’on ne peut pas utiliser des mots à haute voix, comme tout le monde… Elle ne peut pas comprendre ça ? Elle ne veut pas ? Je ne sais pas quel est le problème, mais il est certain que c’est pénible à mes yeux, surtout compte tenu du mal que j’ai à me faire comprendre et accepter dans cette école où tout, ou presque, m’est étranger. Je fronce un peu les sourcils quand elle me dit de prouver que je ne suis pas un idiot… Elle pense sincèrement que je le suis ? Pourtant, j’avais d’excellentes notes au cours de potion lorsque j’étais au Japon… C’est quand même malheureux, passer pour un abruti de première alors que l’on est tout aussi capable que les autres de produire un travail exemplaire et d’avoir une conduite correcte en société… Je ferme les yeux et hoche la tête après un instant.

Mon regard est à nouveau attiré par ma partenaire qui vient de prendre mon carnet pour écrire quelques mots dessus… Bn Dcoupaj ? Je ne comprends pas… faut dire que j’ai déjà du mal avec l’anglais normal, alors imaginez un peu ce qu’il en est lorsque je dois comprendre quelque chose de totalement mal écrit ! Je comprends néanmoins qu’elle se moque encore de moi par ce biais et je fronce un peu les sourcils en l’observant, retournant ensuite à ma découpe attentive et précise des scarabées. En fait j’ignore le type de potion que l’on fait, mais je pense que je peux me concentrer un minimum afin de travailler, même si je ne suis pas sûr des étapes à réaliser par la suite… Je pose le carnet à côté de moi, sans prêter attention aux deux bouts de racines qui manquent, et je reprends mon travail avec attention.

Après quelques minutes, tout est dans le chaudron et la cuisson commence réellement. Je suis très attentif à ce genre de choses et, comme je savais que nous allions devoir faire des potions durant l’année, j’ai au moins révisé mes mesures de temps avant d’arriver… La base, quelque part… Les noms d’ingrédients sont bien plus difficiles à retenir que les unités de poids, de temps et de longueur, c’est pour cette raison que j’ai un peu plus facile à comprendre tout ça qu’avant. Je me fige un peu en entendant un cri et mon regard se tourne vers son origine… Ouf, c’est simplement quelqu’un qui vient de se brûler… Oui, j’ai tendance à imaginer les pires scénarios depuis tous ces événements… Je ferme les yeux pendant quelques secondes et je pousse un petit soupir avant de me mordre légèrement la lèvre, anxieux. Je vois ma camarade rire et je fronce un peu les sourcils… C’est méchant… Elle est vraiment méchante en fait. Et le pire dans toute cette histoire, c’est que je ne peux rien dire à cela… Je ferme les yeux un instant de plus et, comme le professeur est parti, je me demande ce que vont faire les autres…

Quelques instants plus tard, j’entends la voix de Zoey qui reprend la parole et je tente de comprendre tout ce qu’elle dit… Je comprends à peu près, mais je fais de grands yeux… Elle veut vraiment me plonger la tête dans le chaudron ? Je risque d’avoir de gros problèmes si ça arrive, voire d’être brûlé… Je fronce un peu les sourcils, après quelques secondes… C’est un peu bizarre, en fait, peut-être qu’elle plaisante ? Je réfléchis un peu, les sourcils toujours froncés, mais je ne dis rien à ce qu’elle vient de me dire. Au lieu de ça, je regarde le sablier qui indique huit minutes encore… Ce n’est pas si long, si ? Par contre, quelque chose me semble étrange… La potion a l’air de bouillonner relativement fort et la couleur… A l’air un peu plus claire que ce qu’elle devrait être. Pour cette raison, je reprends mon carnet et y indique quelques mots afin de les faire lire à ma partenaire.

« Tu ne trouv pas que la culeur es bizarre ? »

On a peut-être oublié quelque chose ? Ou alors on a mis trop ou trop peu d’un ingrédient ? C’est assez bizarre de me dire cela car j’ai l’impression qu’on a suivi scrupuleusement les indications présentes dans le livre, mais il me semble avoir vu que la couleur était différente que celle qu’elle a donnée… Je lui montre le chaudron et le passage du livre qui indique la couleur, histoire de prouver ce que je dis.

Je crois que la situation risque de se compliquer dans les minutes qui arrivent. La potion n’a pas du tout la couleur qu’elle devrait avoir et j’ai l’impression que nous avons fait quelque chose de travers. Malheureusement, pour expliquer tout cela à Zoey, il me faudrait être capable de parler et ce n’est pas le cas. Je ferme les yeux quelques instants et je pousse un léger soupir quand elle répond, en riant, que c’est vrai et qu’elle me propose de goûter. Aux dernières nouvelles, ce n’est pas parce que je suis muet que je suis incapable de réfléchir correctement, ou du moins suffisamment pour me rendre compte de la dangerosité de son idée. Boire un peu de cette mixture bleu pâle qui ne m’incite clairement pas à la beuverie ? Très peu pour moi. Mais si cela lui chante, elle peut vider le chaudron entier dans son gosier et en mourir… Franchement, je commence à avoir des idées glauques par rapport à cette fille qui semble adorer se payer ma tête. Pourtant, je ne suis pas bien méchant et nous sommes dans la même maison, cela ne devrait-il pas nous pousser à être un peu plus proche, à mieux nous entendre ?

J’ai un mouvement de recul en la voyant approcher la louche de moi. Oh non, tu ne me toucheras pas avec cette mixture immonde que nous avons concoctée et dont nous ignorons tout. Après tout, pour ce genre de chose, la moindre erreur peut avoir des conséquences désastreuses et je suis persuadé que nous n’avons absolument aucune envie de savoir quels seraient les effets de la présente potion… Nouveau soupir.

Au Japon, tout me semblait tellement plus simple lorsqu’il était question de mélanger des ingrédients pour obtenir une potion. Je pouvais parler, je pouvais comprendre la recette totalement, sans m’aider des images, et j’étais capable de réaliser des mixtures assez complexes… Alors pourquoi les choses sont-elles aussi différentes depuis que je suis parti ? Est-ce parce que je ne suis pas capable de m’exprimer à voix haute ? Est-ce simplement parce que ma maîtrise de l’anglais laisse à désirer ? Je crois que j’aurais grand besoin d’une réponse à cette question, mais que celle-ci se fait attendre, elle aussi… Malheureusement pour moi.

Dans tous les cas, que je parle japonais ou anglais, cette potion est ratée… et à mon avis, bien comme il faut ! Je vois la mine perplexe de Zoey lorsqu’elle voit la couleur bleu pâle de la potion et je la laisse chercher dans le livre, estimant qu’elle saura bien mieux que moi comprendre ce qui ne va pas dans la préparation que nous venons de faire. En plus, je pense qu’elle me tient pour responsable, ce qui ne m’incite pas réellement à faire les vérifications moi-même… Je l’observe en silence tandis qu’elle prend un peu du mélange pour l’écraser entre ses doigts, et je l’écoute à nouveau quand elle prend la parole pour m’accuser honteusement d’avoir volé les racines qu’elle coupait un peu plus tôt.

Outré par cette question, je secoue la tête assez vivement afin de lui signifier que ce n’est pas le cas, craignant plus que tout la fureur des autres élèves depuis le drame de ma classe, et je l’entends reprendre, fronçant un peu les sourcils. Elle dit tout cela comme si c’était de ma faute, une fois de plus, mais les racines n’auraient pas manqué à l’appel si elle avait fait un peu plus attention avant de me rendre mon carnet. Je n’y peux rien, après tout, si je ne suis pas capable de communiquer comme tout le monde ; j’aimerais tellement y parvenir à nouveau, mais ce n’est pas ainsi que fonctionnent les choses de nos jours, et encore moins dans le monde magique. Un soupir plus tard, je regarde la jeune femme avec sérieux, puis je regarde le chaudron d’un air dubitatif avant de prendre mon carnet et d’y inscrire quelques mots après en avoir soigneusement détaché les quelques morceaux de racine.

« Tu penses que l’on devrait les ajouter et voir si la potion se stabilise ?»

Après tout, je n’ai pas envie de risquer de passer ma vie en mode schtroumpf, si jamais cela vient à exploser… J’ai déjà entendu des cas dans lesquels une potion n’était rien de plus qu’un énorme colorant, mais… généralement la coloration était inoffensive, mais effective plusieurs semaines durant. J’espère tellement ne pas faire cette expérience ! Je montre mon carnet à Zoey avant de jeter un nouveau coup d’œil au chaudron qui semble en parfaite ébullition… génial… Si on ne fait pas vite quelque chose, je crois que l’on va avoir de gros problèmes.

Une énorme bulle éclate et je sens un point de chaleur sur mon bras. Saleté ! Je ferme les yeux et le fait partir aussi rapidement qu’il est venu, espérant que cela n’aura aucune conséquence. C’est que ça brûle en plus… Comme je vois le chaudron qui commence à vibrer sous le coup de l’éclatement de bulles de plus en plus grandes, je m’approche de Zoey et la pousse légèrement plus loin, espérant que cela n’explose pas… Je jette ensuite un regard à ma camarade de classe, comme pour lui demander de dire aux autres de partir également, car je suis incapable de le crier moi-même.