Comme une volée de plumes [PV Sacha]

Aslinn jeta un regard circulaire dans la tour. Epousant la forme des parois de pierres sèches de la tour, des niches abritaient toutes sortes de volatiles aux plumes aussi sombres que des feuilles d’automne. Elle enjamba plusieurs mottes de pailles en fronçant le nez. Elle n'avait rien contre les hiboux, chouettes et autres hulottes, mais les odeurs de fumiers la répugnaient et elle ne pouvait s'empêcher d'éprouver du dégoût en contemplant le sol et en respirant ces fragrances désagréables.

La jeune fille ne possédait pas de hiboux à elle, aussi devait-elle emprunter ceux de l'école. Elle avait l'embarras du choix : il y avait aussi bien de magnifiques et altiers oiseaux que des volatiles aussi gros et pelucheux qu'une balle en plumes. Elle en choisit un de couleur rousse qui, répondant à un signe de sa part, alla se poser sur son bras. Elle lui confia deux enveloppes : une pour ses parents, une pour son frère.

Elle contempla un long moment la silhouette du hiboux qui s'éloignait pour ne devenir qu'un point sur l'horizon avant de disparaitre dans le lointain. Elle resta songeuse quelques instants. Il ne lui restait que quelques minutes avant la sonnerie qui marquerait le début des cours, aussi goûta t'elle la solitude qu'on lui proposait avant de redescendre l'escalier en colimaçons pour se mêler à la foule des élèves se massant devant les salles de classe. Aslinn avait quelques amis, de bons amis, mais elle aimait parfois se retrouver seule avec elle-même, comme si un miroir lui renvoyait son image pour qu'elle puisse se contempler de l'extérieur. En ce début du mois de septembre, elle songeait déjà aux nombreux devoirs qu'avaient déjà donné les professeurs aux élèves de quatrième année, notamment le professeur MacGonagal, exigeante mais devant qui elle était en totale admiration. La jeune fille aurait bien aimé possédé le solide caractère et la prestance de cette femme, mais à quatorze ans seulement, on ne peut qu'en rêver. Elle tentait néanmoins de prendre modèle comme elle le pouvait. Le travail ne lui faisait pas peur, elle aimait même cela. Cela lui rappela la dernière expérience menée avec Luka dans un coin désert du dortoir des septième années de la tour Serdaigle.

La paille au sol frémit. On l'avait piétinée. Enfin, c'est ce que comprit Aslinn après avoir sursauté et émit un petit cri de surprise tout en se retournant pour faire face à l'intrus. Ou à l'intruse plutôt. Ce fut la bouche toujours ouverte qu'elle la reconnu. Elle identifia la masse brune de sa chevelure et le bleu presque translucide de ses yeux qu'elle avait toujours trouvé singulier : Sacha ! Une amie de longue date...qu'elle contemplait comme si elle venait de la surprendre dans un instant de sa vie particulièrement intime. Aslinn s'éclaircit la gorge pour reprendre une contenance.

- Ah ! C'est toi ! énonça t'elle d'un ton badin, comme si de rien n'était.

Tandis qu’elle tentait tant bien que mal de se refaire une contenance, la réplique de Sacha ne manqua pas de lui faire monter le rose aux joues, bien qu’elle eut tout fait pour empêcher tous les muscles de son visage de rompre les rangs. Elle s’y employait avec une certaine conviction, mais n’était pas encore entièrement maîtresse de ses émotions, où plutôt, celles-ci s’échinaient contre son grès à tout dévoiler de ses pensées parfois les plus intimes, ce qui était tout sauf confortable. Mais ce n’était pas seulement sa faute. Sacha avait une sorte de don pour déstabiliser les gens. Si il devait exister un examen mesurant le sens de la répartie, elle le réussirait haut la main sans même prendre la peine de réviser, Aslinn la connaissait assez pour savoir cela.

Le rouge aux joues, elle détourna le regard et n’osa pas répliquer de peur de bafouiller. Un homme ?! Tout du moins un garçon !? Enfin, elle n’avait que quatorze ans, elle était encore jeune, trop jeune pour avoir de telles pensées ! Elle se rendit alors compte que ce n’était qu’un prétexte, elle se mentait à elle-même. Quand Sacha l’avait chahutée, une image c’était imposée immédiatement à elle, une image mouvante somme toute agréable, très agréable. Un jeune garçon aux cheveux noirs, plutôt grand, qui lui souriait au passage d’un couloir. Un garçon plus âgé, un élève de Serpentard, Ezreal Black. Elle ne pouvait nier que c’était à lui qu’elle pensait en cet instant. Et oui, elle aurait aimé que ce soit lui qui soit monté ici, qu’ils se soient retrouvés seuls tous les deux dans cette tour surplombant le parc. Voir monter Sacha avait été une sorte de déception. Mais jamais elle ne le lui dirait, pas à elle, elle n’avait pas à lui en parler. Elle était bien trop fière pour se confier et montrer sa plus grande faiblesse à une fille plus âgée qu’elle, mais qui ne se distinguait pas autant qu’elle par son excellence. Aslinn se savait snob par moment, mais elle ne pensait pas Sacha digne de sa confiance totale, malgré une amitié indéniable. Elle se savait capable de l’aider si elle le lui demandait, elle l'avait déjà fait, mais pas de se faire aider, jamais elle ne le pourrait. Trop fière pour cela. Elle ne demanderai d'aide à ses égaux.

- Arrête tes bêtises, enjoignit-elle à Sacha en croisant les bras contre sa poitrine. Je ne faisais qu'envoyer une lettre. Tout comme toi, je suppose.

Sacha avait en effet une lettre dans les mains, ce qui ne faisait pas de sa remarque une distincte constatation. Elle releva la tête, reprenant complètement le contrôle d'elle-même. Pendant ce temps, la nouvelle venue jetait son dévolu sur un volatile d'une agréable couleur neigeuse, se détournant d'elle. Elle supposait bien. Soudain, la situation lui parut quelque peu gênante, et elle ne sut quoi dire pour briser un silence devenu presque oppressant. Elle n'aimait pas se faire surprendre, ne pas avoir le dessus ni le contrôle sur une situation. Elle ressentait le besoin presque vital d'occuper l'espace.

- Et puis, tu crois que la volière est le meilleur endroit pour retrouver quelqu'un ? La vue est belle c'est vrai, mais l'odeur ni l'ambiance ne sont idéales.

Pouah ! Nul ! Essaie encore ! Aslinn sentait et réagissait à ses faiblesses, et l'urgence ne lui faisait pas donner des répliques distinguées par leurs incroyables profondeurs ni par leur intérêt.