SKYLAR&REN |#| Keep Waiting.

J’ai été envoyé ici à la demande de mes parents. Séparé de mes proches, j’ai arraché à ma culture et à ce que j’avais toujours connu. Malgré tout, je continue à attendre une réponse au hibou que j’ai envoyé dès mon arrivée ici. Rien. Strictement rien n’est arrivé depuis. Je soupçonne le psychologue qui m’a analysé après l’accident de leur avoir conseillé de couper les ponts avec moi le temps d’une année au moins… Ils veulent peut-être m’aider à oublier ce qu’il m’est arrivé, à oublier ce que j’ai traversé avant d’arriver ici, la mort de mes amis et de mon professeur, mais je sais que cela ne sera pas aussi facile, surtout s’ils agissent ainsi… Depuis quand l’absence guérit-elle les peines ?

Debout dans la volière, je regarde l’horizon d’un œil hagard. Je guette sans un bruit un signe, une silhouette, un oiseau qui viendrait du lointain afin d’apporter un courrier. Il y a bien quelques volatiles qui approchent, mais je ne reconnais pas le plumage de Suishou, ma jeune chouette hulotte. J’attends là depuis le repas, depuis le moment où les oiseaux sont arrivés pour apporter le courrier… Je tente de garder espoir, me réconfortant à coup de « elle doit revenir de loin. Ca peut mettre plus de temps », mais je sais parfaitement que mes parents n’ont simplement pas répondu… Quand elle reviendra, il n’y aura rien avec elle, juste ses grands yeux qui me regarderont d’un air désolé car elle saura à quel point j’attendais une nouvelle…

Je pousse un petit soupir en observant l’horizon et, malgré le temps qui passe, je reste là à me demander si, oui ou non, mes parents se soucient de ce qu’il m’arrive ici… Sont-ils conscient de mon inconfort au milieu de ces personnes avec qui je ne peux communiquer ? Cette situation est difficile à vivre et je me demande s’ils y ont réellement songé avant de me transférer à Poudlard… Mon carnet dans la main, je suis toujours aussi silencieux, regardant les animaux aller et venir ici.

Le problème avec moi, c'est que je pourrais passer des heures à regarder l'horizon, le ciel, en attendant un signe, un message, un appel... Mais rien ne vient, malgré toute la patience dont je fais preuve. C'est toujours la même ligne d'horizon déchirée, la même infinité qui semble s'étendre devant moi et, au final, je n'ai jamais de retour de mes parents dont j'aimerais pourtant avoir quelques nouvelles. Je sais qu'ils m'ont envoyé ici pour mon bien, qu'ils pensent que c'est ce qu'il y a de mieux pour moi, mais je suis intimement convaincu du contraire. Être ici ne me fait pas de bien, je n'ai personne avec qui rester et la seule personne qui ait réellement accepté de m'aider jusqu'à aujourd'hui est une élève de ma maison, la préfète même, dont c'est sans doute le rôle, maintenant que j'y pense... Un profond soupir franchit mes lèvres tandis que je guette encore un peu l'arrivée d'un oiseau qui, je le sais, ne sera pas celui dont j'attends le retour avec tellement d'impatience.

Alors que je suis perdu dans mes pensées et mon observation, une voix attire mon attentio et me fait me retourner. Je regarde vers la porte et aperçois une personne qui semble se dissimuler derrière... Je lui adresse un sourire quand j'entends sa seconde question et, dans mon éternel silence, je secoue légèrement la tête pour lui faire comprendre qu'il ne me dérange pas. À ce geste, j'en joins un autre: un petit geste de la main pour le saluer, car mes parents m'ont expliqué que, par ici, on ne faisait pas la courbette pour dire bonjour... En plus, ce garçon doit avoir mon âge, ce qui justifie que je n'aie pas le même comportement envers lui qu'envers les professeurs ou les personnes membres du corps enseignant...

Je prends mon carnet et j'y écris quelques mots, suffisamment grand pour lui permettre de lire, puis je le tourne dans sa direction en souriant un peu, espérant qu'il parviendra à comprendre ce que j'ai écrit et qu'il ne me laissera pas dans le silence pendant des années... « Tu peux venir. Qui es tu? »

En cet instant, je suis celui qui n'est pas à sa place. Je suis celui qui devrait déranger les autres. C'est pour cela que je ne comprends pas réellement la raison pour laquelle cet garçon me demande s'il me dérange ou pas. Tout naturellement, je lui ai répondu que non et, quelques instants plus tard, je le vois s'approcher de moi, ne cessant pas de le regarder, mais pas pour le dévisager. Je veux simplement savoir à qui je m'adresse en cet instant et, surtout, pourquoi il a eu peur de m'embêter alors qu'il ne fait que venir dans un lieu où tous les élèves doivent pouvoir entrer librement... Je souris un peu quand il se présente et me demande comment je m'appelle, puis je sors mon carnet afin d'écrire quelques mots.

«   蓮. Mais ça se dit "Len". Enchanté.   »

En fait, j'ai écrit mon prénom en deux fois. Une fois en Kanji, une fois en alphabet occidental... En fait, je dois le faire à chaque fois pour réussir à me souvenir de la façon dont ils l'écrivent par ici... Après tout, mon prénom ne se prononce pas de la même manière et je n'ai pas l'habitude de l'écrire en anglais... En fait je sais juste comment il se prononce, pas comment ils l'écriraient.. .peut-être "Leyn?" "Len"? Je ne sais pas et ça m'a déjà beaucoup perturbé.

Après un instant, je l'entends poser plusieurs questions et je le regarde d'un air assez interrogatif. En réalité, je suis simplement en train de me concentrer pour comprendre tout ce qu'il me dit... Pourquoi j'ai l'air triste? Et pourquoi je ne parle pas? ... Hm... Je ne sais pas si j'ai réellement envie d'expliquer tout ça à quelqu'un que je ne connais pas... Un petit sourire prend cependant place sur mon visage alors que je relève le carnet afin d'écrire dessus une réponse à celui avec qui je "discute", si parler avec un muet peut réellement être considéré comme une discussion.

« Non, ce n'est pas ta fôte. Je ne sais pas parler, et j'attends des nouvels de ma famille. »

Ce garçon m'inspire confiance, en fait... Il n'a pas l'air méchant et cela me fait plaisir de voir quelqu'un venir vers moi pour me parler... J'attends un peu pour être sûr qu'il ait lu et je souris à nouveau avant de tourner la page de mon carnet pour écrire encore.

« Tu viens shershé du courrié, toi aussi? »

Je le regarde, surpris, avec des yeux légèrement écarquillés, lorsqu'il me dit qu'il sait comment se prononce mon prénom. Réellement? Il sait lire ma langue? Je souris un peu plus après quelques secondes, réellement heureux d'avoir trouvé une personne capable de s'exprimer dans ma langue natale! En tout cas, mon interlocuteur a l'air très enthousiaste, même si j'ai l'impression que mon absence de parole le rend un peu triste... Après tout, il ne doit pas rencontrer de sorcier muets à tous les coins de rue... pas vrai? Je souris un peu et, quand je le vois un peu triste, je lui adresse un petit sourire que j'aimerais rassurant, puis je lui demande s'il vient pour chercher du courrier, sans réellement répondre à sa question précédente sur les fautes d'écriture.

Après quelques secondes, quand il m'a présenté sa chouette et qu'il m'a dit qu'il venait parler avec les animaux, je reprends mon feutre afin d'écrire sur mon carnet, en japonais cette fois, quelques petites choses qui pourraient répondre à ses questions.

«Cela me rend triste car ils ne répondent pas. Ma chouette, Shuishou, est partie depuis quelques longs jours déjà, mais n'est pas encore revenue. J'espère qu'il ne lui est rien arrivé. Je fais des fautes car je ne parle pas bien anglais et c'est dommage que personne ne vienne jamais, car c'est un endroit bien calme. Et Carmella est très jolie aussi. »

J'ai l'impression d'avoir écrit énormément, mais c'est parce que je suis heureux d'avoir trouvé une personne capable de comprendre ma langue. Il faut dire que le japonais écrit n'est pas la plus facile des langues alors, franchement, je suis heureux. Un petit sourire plus tard, après m'être relu calmement, je tends le carnet à mon interlocuteur afin qu'il puisse y découvrir mes réponses, mais j'ai l'impressionque j'ai beaucoup trop écrit, il pourrait presque en avoir peur.

Je n’ai pas d’autre moyen de m’exprimer que le carnet sur lequel j’inscris les phrases les unes à la suite des autres… Pour cette raison, en général, je ne parle pas aux autres, je fais comme si de rien n’était et, si l’on me pose des questions, j’y réponds aussi rapidement que possible. En plus, mon anglais est plutôt faible et j’ai des difficultés à expliquer tout ce que je veux dire… Heureusement, Skylar semble comprendre le japonais et même le parler, ce qui constitue pour moi une progression incroyablement grande. Je souris un peu quand il me dit que ma chouette va revenir… Ça serait tellement bien… Qu’elle revienne avec une lettre, avec quelque chose qui m’informerait du bien être de mes parents… Ou plutôt de leur tristesse de m’avoir envoyé aussi loin du cocon familial que j’ai du quitter soudainement après ce désastre…

Je commence à reprendre espoir, quand j’entends soudainement Skylar évoquer un sort. Mes yeux se font ronds. Mon expression, quand à elle, traduit ma frayeur. Non… Non… Pas un sort ! Je secoue la tête suite à cette phrase. Je ne veux pas que l’on lance un quelconque sortilège sur ma chouette… Si jamais elle meurt, que vais-je bien pouvoir faire pour m’en sortir ? Je hoche ensuite la tête quand il dit qu’on la sauvera. Je veux qu’on sauve Suishou… Je me sens un peu rassuré maintenant que Skylar m’a pris dans ses bras, même si je ne le connais pas… J’essaie d’imaginer qu’il est un ami de longue date que je retrouve, qu’il est un cousin qui m’aurait manqué depuis des années… Tellement de choses en fait.
Je souris un peu et l’écoute reprendre la parole quand il me dit qu’il pourrait m’aider pour l’anglais. Cela m’aiderait tellement. Je hoche la tête en souriant largement quand il a terminé, mais quand je l’entends parler de mes devoirs, je fronce un peu les sourcils et reprends mon carnet.

« Je ne veux pas que tu les fasses à ma place. Je préfère que tu les fasses avec moi, c’est plus intéressant, non ? »

Après tout, si j’ai une question, je pourrai toujours lui poser et, s’il a envie, je pourrai lui laisser relire mes phrases ? Je ne sais pas, mais je trouve l’idée intéressante. Je suis un peu timide alors je baisse les yeux après lui avoir montré mon carnet, puis je ferme les yeux pendant quelques secondes en le reprenant contre moi. Il est peut-être l’un des rares premiers amis que j’ai ici…

Spoiler:

ren ҩ skylar

« Trouvez une place à vous où il y a de la joie, et la joie consumera la douleur. » Joseph Campbell

Etrangement, Skylar semblait marquer des points auprès de Ren, et il en était heureux. Pour la première fois depuis longtemps, il se sentait proche de quelqu'un. Il n'avait pas peur que Ren le frappe, ou lui crie dessus. Il n'avait pas peur qu'il lui lance un mauvais sort, ou qu'il se moque de lui. Il n'avait pas peur de s'approcher de lui et de le prendre dans ses bras, ni peur qu'il le repousse. Etait-ce cela l'amitié ?
En tout cas, Skylar enchaîna les propositions et les promesses. Et après s'être senti coupable d'avoir, visiblement, effrayé Ren en parlant de jeter un sort pour retrouver sa chouette, Skylar lui avait promis qu'ils la sauveraient. Car au final, Skylar en avait oublié le vrai tracas de Ren, qui ne se dirigeait pas tant vers le bien-être de son oiseau que par l'absence ou le refus de réponse de ses parents. Mais Skylar voyait cela d'un autre oeil. Pour lui, c'était deux problèmes bien distinct : d'un côté, il n'avait pas de nouvelle de ses parents. Et si cela semblait étrange à Skylar de s'inquiéter pour cela, ou même de recevoir du courrier de la part de sa famille, il pouvait le comprendre malgré tout. Et d'un autre côté, il y avait l'absence de son animal de compagnie. Et c'était ce qui faisait, au final, le plus mal au coeur au petit Poufsouffle pour son nouvel ami. Car pour Skylar, rien n'était pire que de perdre son animal.
Puis il fit une autre proposition au Serdaigle, sur un sujet totalement différent puisqu'il s'agissait là d'anglais. Il lui proposa de l'aider, et de faire ses devoirs à sa place. Le genre de chose qu'il était habitué à faire. C'est pourquoi la réponse de ce monsieur Minami l'étonna au plus haut point.
« Je ne veux pas que tu les fasses à ma place. Je préfère que tu les fasses avec moi, c’est plus intéressant, non ? »
Le petit brun pencha sa tête sur le côté, vraiment étonné. On ne lui avait jamais proposé une telle chose ! Il cligna plusieurs fois des yeux, assimilant les données, avant de hocher la tête.
-O...oui... oui ! Je veux bien ! C'est bizarre, personne ne veut jamais qu'on les fasse ensemble d'habitude ! Toi t'es différent !
Le bouclé avait retrouvé son sourire et son énergie, et était tout content. Vraiment content. C'était à vrai dire un sentiment qu'il n'avait jamais réellement expérimenté auparavant : il était heureux ! Ce qui ne l'empêcha pas de faire à Ren ses yeux de chat potté, les bras croisés derrière le dos, se balançant d'avant en arrière comme un gamin... qu'il était !
-Toi je t'aime bien...
Et il rougit fortement à ses mots. Ce n'était pas le genre de chose que Skylar était habitué à dire. Dire à quelqu'un qu'il l'appréciait, surtout à un garçon, c'était comme lui dire " tu es beau "... ! C'était... gênant. Oui, c'est ça. Il était gêné. Ce n'était pas une question d'être attiré physiquement par la personne, c'était le concept en lui même. Avoué quelque chose comme ça n'était pas si facile que vous pourriez le croire pour lui...

Je ne suis pas de ceux qui critiquent les autres dans leurs dos, ni même de ceux qui se plaisent à utiliser le premier venu, lorsqu’il est trop gentil, afin d’en faire un larbin qui me servira uniquement quand j’en aurai besoin… Au contraire, j’ai toujours fait partie de ceux qui offrent leur aide à ceux qui en ont besoin, à ceux qui la méritent, voire parfois à ceux qui ne la méritent pas forcément. Je ne compte d’ailleurs plus les occasions où, proposant mon aide à une personne qui me semblait en avoir besoin, j’ai vu celle-ci refusée pour une raison stupide comme « non, je ne veux pas de ton aide. » ou « les gens comme toi proposent leur aide dans le seul but de s’encenser » … Ce n’est pas parce que j’appartiens, depuis mon entrée dans une école de magie, au groupe des « intellectuels » que je prends les autres pour de simples faire-valoir… Ce n’est pas ainsi que j’ai été éduqué et ce n’est pas ainsi que je vois mes camarades, bien au contraire. C’est pour cette raison que j’ai proposé à Skylar de faire mes devoirs avec moi plutôt que de les faire pour moi… Parce que j’ai besoin d’aide pour m’améliorer, pas pour devenir paresseux et me servir de lui.

Je souris un peu quand j’entends Skylar s’étonner de ma réponse à propos des devoirs. Il doit faire partie de ce groupe de personne que j’ai évoqué un peu plus tôt, ceux qui se laissent marcher sur les pieds et utiliser par les autres alors qu’ils n’ont aucune raison de le faire… L’excès de gentillesse est sans doute l’un des pires défauts car, au bout d’un moment, on finit par se laisser berner trop souvent et on n’arrive plus jamais à sortir de cette spirale… Je prends mon carnet pour y écrire une question, mais je n’ai pas encore pu lui montrer qu’il a déjà dit quelque chose d’autre, quelque chose que je comprends et qui m’arrache un petit sourire. Je reprends donc de quoi écrire et j’inscris quelques mots sur le carnet avant de le tourner vers mon camarade.

« Je ne te demanderai jamais de les faire pour moi. Ça ne serait pas très juste. Tu es très gentil en tout cas. »

Je ne dis pas que je l’apprécie, moi aussi, mais c’est une question de nature… Depuis tous ces événements, je n’arrive plus à considérer les gens comme mes amis, pas aussi facilement qu’avant, en tout cas et, même si je trouve ce garçon très sympathique, le problème est plus culturel qu’autre chose. Chez moi, on ne va pas forcément vers les autres pour leur dire qu’ils sont géniaux, gentils, sympathiques, adorables ou je ne sais quoi d’autre… Non, les effusions de sentiments ne sont pas forcément les bienvenues et, dans mon cas, je me contente de montrer aux gens que je les apprécie plutôt que de le leur dire haut et fort. C’est précisément ce que je fais avec Skylar, en lui adressant un franc sourire, chose qui ne m’arrive plus très souvent depuis quelques temps. Après un instant, je reprends d’ailleurs mon carnet pour y écrire quelques mots.

« Ça ne t’embête pas si je viens près de toi lorsque je suis tout seul ? »

C’est stupide, mais j’ai réellement besoin de personnes à qui m’attacher, de personnes à qui parler… Et comme il comprend le japonais, c’est plus facile pour moi… Je pense qu’on pourrait devenir proches si on parlait plus souvent.